Une garde de journée aujourd'hui. Je ne peux pas dire sur c'est mieux que les nuits, c'est différent. Je ne suis pas à l'aile ouest cette fois, mais je suis dans les chambres des internés liés au tronc commun. Je n'y suis pas si souvent, mais comme ces patients interné sur du long terme, je les connais quand même assez bien. Je fais mon petit tour rapide en arrivant pour voir qui est dans sa chambre ou non. Je vois que Mordred est là, je me souris à moi même, j'irai faire un saut dans sa chambre même s'il n'a pas de soin ou de cachets à prendre. Je me rends rapidement dans la pièce des infirmiers pour prendre la relève des autres. On se dit rapidement bonjour et aussi au revoir. On me met au courant de ce qui s'est passé de spécial cette nuit, les incidents, les nouveaux venus, la routine.

Je regarde l'heure à ma montre, 09:03, l'autre infirmier qui est censé bosser avec moi aujourd'hui est en retard. Du coup, je file mettre mon nez dans les dossiers pour trouver celui de Mordred. J'aime beaucoup ce patient parce qu'il n'est pas comme les autres. Il a une de ces joies de vivre c'est très plaisant à voir quand on est très souvent entouré de patient dépressif ou en souffrance, ou juste endormi. Mes gardes dans les chambres du tronc commun sont assez chiantes par rapport aux urgences ou au service pédiatrie, mais il y a toujours quand même ce petit quelque chose qui fait que finalement la journée ne sera pas si chiante. L'imprévu c'est ce que je préfère.

Je parcours le dossier de Mordred et je vois qu'il a une prise de sang à faire aujourd'hui. Parfait. Je vais m'en charger. L'autre infirmier peut arriver maintenant je m'en moque j'ai déjà piqué le patient que je voulais. Je lève les yeux et je vois sur le mur, la note qui a été rajouté il y a peu de temps par le médecin. Il était probable que les patients tombent malade dans les jours à venir et il avait noté les dosages pour les différents patient si on était mené à leur donner du paracétamol ou de l’ibuprofène. C'était à cause de l'évacuation qu'il y avait eu deux jours plus tôt. En effet, tout le monde s'était retrouvé dehors sous la pluie suite à une alarme incendie. Il se trouvait que finalement, il n'y avait aucun feu à l'horizon et pour cause, l'alarme avait été déclenché par un patient. Je le sais parce que j'étais dans le coin à ce moment là. Je ne les ai vus que de loin mais c'était bien ça. Une fois que l'eau se déversait du plafond dans les couloirs, je m'étais rendu jusqu'à l'alarme et j'ai bien vu qu'elle avait été déclenchée de là. Je n'ai pas reporté l'incident parce qu'il n'y a pas eu de dommages dans l'histoire. Certes quelques ordinateurs ont pris l'eau mais ils avaient 20 ans ces ordi, ça nous aura au moins permis d'en avoir des nouveaux. En clair, c'était presque si je leur devais une belle chandelle.

Mon petit nécessaire pour la prise de sang avec moi, et le dossier de Mordred sous le bras, je frappe un coup à sa porte entre-ouverte et j'entre dans la chambre directement.

« Bonjour Mordred. Comment ça va aujourd'hui ? C'est moi qui suis dans le service pour la journée. »

Je rapproche la table à roulette de son lit pour poser mon matériel.

« T'as déjà pris ton petit déjeuner ? »

J'avais besoin de cette information pour que les résultats de la prise de sang ne soient pas faussés. Je prends mon stylo qui est accroché à ma poche et je note sa réponse.

« Je dois juste te faire une petite prise de sang. Contrôle de routine. »

J'attends qu'il remonte sa manche et tout en préparant les différents tubes j'entame la conversation.

« Alors, quoi de beau de prévu pour aujourd'hui ? Pas une autre alerte incendie j'espère. »

Un grand sourire me vient aux lèvres quand je vois l'engouement de Mordred à me voir. Ca fait vraiment très plaisir. Tellement rare d'avoir des patients enthousiaste par ici. Si je pouvais je passerai toute ma journée à m'occuper que de lui, quitte à faire le ménage de sa chambre une fois que je serai à cours d'examen ou de vérification. Je sais bien que je ne devrais pas me plaindre, j'ai choisi mon boulot et être infirmier n'est pas forcément un métier où on côtoie beaucoup la joie et la bonne humeur. Les gens qui sont à la clinique ne sont pas là de gaité de coeur. Mis à part les femmes enceintes. Je devrais faire des gardes dans le service maternité plus souvent, l'atmosphère doit être beaucoup plus agréable, mais il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas toujours tout beau là bas non plus. La mort d'un bébé ou d'un enfant est souvent considéré comme « plus douloureuse ». Ce n'est pas dans l'ordre des choses. Bref, je passe ma journée dans le service où se trouve Mordred et j'espère bien une bonne et agréable journée.

Il boude quand je lui dis que je dois lui faire une prise de sang, ça ne m'étonne pas, il n'y a pas grand monde qui apprécie. Je commence à sortir ce dont j'ai besoin pour lui prélever un échantillon de sang et je lui demande ce qu'il a prévu pour aujourd'hui. Au passage je plaisante sur l'alarme incendie. Oui je suis au courant, je veux voir la tête qu'il va faire quand il s'en rendra compte et je ne suis pas déçu. Je retiens un rire quand je le vois se raidir d'un coup et être complètement flippé. Il met un moment avant de me répondre et il se met à bafouiller avant d'avouer et de me demander de ne pas en parler. Il est rouge comme une pivoine, il a l'air vraiment de se faire une crise de panique. Il me dit qu'il pourra même faire tout ce que je veux.

« Tout ce que je veux ? »

Je retire toutes les idées malsaines que j'ai eu pendant un quart de seconde. C'est Mordred voyons ! Je ne peux pas imaginer ce genre de choses brrrr vite il faut que j'enlève ces images mentales de mon crâne. Je dois avoir un légé problème d'addiction au sexe vu comme j'y pense un peu trop souvent. Mais non, je me rassure en me disant que c'est normal, c'est comme ça pour tout le monde.

« T'inquiète pas Mordred. Si j'avais eu envie de le dire, je l'aurai déjà dit. »

Cela fait maintenant quelques jours que l'incident s'était produit, je n'allais pas remettre ça sur le tapis alors que tout était presque oublié. Oui presque, y'en a qui l'ont encore au travers de la gorge. Surtout des patients, des vieux, qui ne voulaient pas sortir de leur chambre. Peut-être qu'ils voulaient juste mourir et qu'ils se sont dit qu'un incendie c'était un bon plan. Bref, j'en sais rien, mais je vais pas balancer Mordred et Morgan.

« Donc c'est Morgan qui s'en est chargé ? »

Ca ne m'étonne pas vraiment, il est interné en psychiatrie et il est très calme pour ce que j'ai vu, mais au fond il a l'air d'être un sacré numéro celui là, alors avec Mordred en plus, un beau duo explosif ces deux Charlots. Je tends le bras pour rapprocher celui de Mordred afin de lui mettre le garrot comme il faut. Je tapote le pli de son bras pour trouver une veine.

« Autant me raconter toute l'histoire tant qu'on y est maintenant. »

Oui je suis un peu curieux en même temps de savoir comment ils en sont arrivés à faire ça, mais surtout je veux que Mordred pense à autre chose pendant que je lui ferai cette prise de sang. Sans me vanter, je suis le meilleur, je vais essayer de le piquer au milieu de son récit sans qu'il s'en rende compte.

C'est drôle comme son attitude change radicalement dès que je lui dis qu'il n'a pas de soucis à se faire. Je me dis qu'il doit avoir confiance en moi, ça me fait plaisir. Il est vrai qu'au fil du temps des liens de tissent entre patients et infirmiers, plus qu'entre patients et docteur. C'est normal en même temps on est ceux qui sont là tout le temps pour eux, pour les écouter, passer du temps avec eux. Ça rapproche tout ça, surtout avec les patients qui sont internés pour des durées indéterminés. Cependant il faut que nous, personnel de la clinique, gardions nos distances en même temps. Ce n'est pas toujours facile de trouver le juste milieu. Il ne faut pas trop qu'on s'attache, même si parfois c'est plus fort que nous.

Mordred me remercie et je lui rends un tendre sourire. Je demande un peu plus de détails et Mordred m'explique que c'est en effet Morgan qui s'est chargé de lancer l'alarme et tout ça simplement parce qu'ils s'ennuyaient. Ah ces deux là, ils font des étincelles ensemble. Je dirai que c'est plutôt bon signe pour eux. Autant pour Mordred qui a l'air de s'être changé les idées, que pour Morgan qui est d'après ce que je me souviens est toujours tout seul dans son coin à tirer la tronche.

Tout en discutant je commence à prendre quelques échantillons de sang pour le contrôle de routine de Mordred. Je le vois grimacer quand je pique, je fronce un peu le nez, je n'aime pas savoir que je fais mal aux patients, je n'ai pas été doué sur le coup, moi qui pensait qu'en discutant j'allais réussir à lui faire penser à autre chose qu'à cette piqûre. Loupé. Dès que je termine la prise de sang, je m'occupe de ranger le tout et de mettre les bonnes étiquettes sur les tubes. Je tourne la tête en entendant Mordred parler et je fronce les sourcils sans comprendre jusqu'à ce qu'il s'étale par terre de tout son long.

« Mordred ! »

Je me lève d'un bond mais je suis pas assez rapide, il était déjà par terre avant que je ne me sois levé du lit. Je m'agenouille à ses côtés en vitesse et je vérifie en premier qu'il respire toujours.

Il respire. Ouf.

Je passe à l'étape suivante très rapidement, je tire la couverture d'un coup sec, oubliant que j'ai laissé tous les échantillons sur le lit dans la précipitation, bien sûr tout tombe par terre. Je n'ai pas le temps de regarder si les tubes se sont brisés, normalement non, c'est en plastique, mais ça fait un vacarme énorme à cause du haricot qui est en métal. Je mets la couverture en boule et la place derrière la tête de Mordred. Alors que je fais ça, une infirmière qui passait dans le coin et qui a sûrement entendu tout le boucan, vient me rejoindre pour m'aider.

« Je viens de lui faire une prise de sang, il est à jeun et s'est sûrement levé bien trop vite quand j'ai terminé. »

Elle hoche la tête et s'occupe rapidement de relever les jambes de Mordred pour que le sang remonte jusqu'au cerveau. J'espère qu'il ne s'agit que d'un simple malaise.

« Mordred tu m'entends ? »

Je le pince un peu pour essayer de le faire réagir. Je passerai aux claques sous peu s'il ne reprend pas connaissance. Je vérifie son pouls en même temps. J'espère qu'il va vite ouvrir les yeux.

« Allé Mordred on ouvre les yeux. »

Je vais prendre sa main pour essayer de détecter une quelconque activité. Son pouls est faible mais pas au point de s'inquiéter vraiment.

« Mordred, on revient à soit maintenant, allé je te promets de te trouver de la super bonne glace Ben & Jerry, à la saveur que tu souhaites si tu ouvres les yeux maintenant. »

On sait jamais, ça pouvait marcher qui sait ? Le cerveau est plein de surprise.