That's the thing about pain, it demands to be felt
Chapitre 1
Je suis assise dans les tribunes. Je me demande ce que je fais là. Mon seul jour de repos de la semaine. J’aurais pu faire plein de choses intéressantes, et voilà que je me retrouve assise dans des tribunes à regarder un match de football vraiment nul à chier. Je sais même pas quelle équipe joue, je connais aucun nom de joueur, je sais même pas qui gagne et je m’en fiche. Je déteste le foot, et si je suis là c’est uniquement pour faire plaisir à mes frères. Mes frères qui eux sont au taqué. Ils hurlent des insultes en direction de l’arbitre, braillent les noms des joueurs, se lèvent, applaudissent, crient de rage… Des supporter vraiment à fond dedans. Je soupire, je comprends rien. L’arbitre siffle, mon aîné lâche une injure. Apparemment, il n’est pas d’accord avec la décision de l’arbitre. Moi je sais même pas de quelle décision il s’agit, j’ai rien suivi. Vraiment le foot, c’est pas mon truc, je suis bien mieux dans mon maillot de bain à faire des longueur et à sauver des mannequins en plastiques dans une piscine plutôt que de courir derrière un ballon. Je baille, lève la tête vers le reste des tribunes et regarde les autres spectateurs. Ça fait passer le temps. Et puis j’entends mes frères s’exciter à côté de moi. Ils hurlent de plus belle, je fais à peine attention, encore un nom de joueur… Ou peut-être pas. Je me rends compte que c’est mon prénom qu’ils hurlent. Je tourne la tête et j’ai à peine le temps de réagir. A peine. Le seul reflexe que j’ai, c’est de lever la main devant moi. Et sous le poids, la force du ballon, je sens mon poignet céder. Je laisse échapper un cri de douleur, et je ne peux pas retenir les larmes qui perlent dans le coin de mes yeux à cause de la douleur subite. Le ballon retombe à mes pieds et je regarde ma main gauche sur laquelle je n’ai plus aucun contrôle retomber mollement.
« Oh putain Léo ! » Je lève la tête vers mes frères visiblement inquiets pour moi. Et ils ne sont pas les seuls, la plupart des spectateurs se sont rassemblés autour de moi pour voir ce qu’il se passé et si je vais bien. Je le savais. Je savais que s’était une mauvaise idée de venir à ce match de foot. Putain de merde. La foule de spectateur autour de moi se sépare et laisse passer un homme. Il porte une tenue de foot et est accompagné de ce qui semble être des secouristes.
« Je suis vraiment désolé » me dit-il. Je réalise à peine qu’il devait être sur le terrain quelques secondes plutôt et que c’est lui qui est à l’origine de la balle qui vient de briser mon poignet. J’hoche la tête mais ne réponds pas. Sans doute parce que je suis trop occupée à chialer comme une gamine pour ça.
« Il faut que je retourne sur le terrain… Mais je suis vraiment désolé. Les secouristes vont s’occuper de vous, j’espère que c’est pas trop grave. Vous n’avez qu’à m’attendre après le match, allez voir l’équipe de sécurité, je leur dirais de vous laissez passer. Je suis vraiment vraiment désolé. » Il a peine le temps de faire un pas en arrière, j’ai à peine le temps de croiser son regard et même pas le temps d’ouvrir la bouche pour répondre que les secouristes me prennent en charge. Juste le temps de voir son numéro : 26.
« Je m’appelle Peter, quel est votre prénom ? » ;
« Léona » ;
« D’accord Léona, votre poignet semble cassé, Il va falloir faire des radios. Il reste un peu plus d’une dizaine de minutes avant la mi-temps, alors on va attendre pour vous évacuer d’accord ? » ;
« D’accord. » Je le regarde fouiller dans son sac, alors que les autres veillent à ce que aucun autre spectateur trop curieux ne nous dérange
« Je vais vous donner un anti-inflammatoire et un antalgique, et je vais vous faire un bandage en attendant. Mais je vous préviens, dès que le coup de sifflet est donné, nous deux, on y va ! » J’hoche la tête et le regard faire. C’était à la trente-quatrième minute. Et neuf minutes plus tard, alors que mon regard se perdait entre le secouriste, Peter, les joueurs, mes frères et les autres supporters, un joueur s’est effondré sur le terrain. Comme ça sans rien. Il a essayé de se relever une première fois, en vain. Une seconde, mais il est retombé. Inerte sur la pelouse. Ses coéquipiers affolés, les spectateurs sous le choc. Le stade muet a commencé à se vider par ordre des dirigeants du club, le match interrompu, pendant que les ambulanciers prenaient en charge le numéro 26 toujours inconscient.
Et moi j’attendais, mon secouriste attitré toujours à mes côtés. Mes frères silencieux et essayant de me réconforter, j’ai entendu des termes comme
« arrêt cardiaque », « mort », « trop tard »… Et les larmes ont commencé à inonder mon visage une nouvelle fois. Je ne sais pas pourquoi. Je suis devenue folle. Complètement folle. Je me suis mise à hurler du plus fort que je pouvais. J’hurlais et je pleurais en même temps. J’entendais le secouriste et mes deux frères tenter de me calmer, mais leurs voix étaient tellement loin que je n’y prêtais pas attention. J’ai continué. Sans me soucier de rien, ni de personne. J’ai hurlais et j’ai pleurais jusqu’à n’en plus pouvoir. Jusqu’à ce qu’on finisse par m’endormir.
Chapitre 2
« Mlle Bradshaw ? Comment vous sentez-vous ? » Je m’étire, regarde mon poignet en plâtre puis lève les yeux vers la demoiselle qui me fait face.
« Je me suis déjà sentie mieux, mais ça va. » Elle me sourit, fait le tour de mon lit et semble hésitez à me parler. Je plisse les yeux et lit sur sa blouse
« Elena Sloan, Etudiante en Soins Infirmiers ». Je souris.
« Laisse-moi deviner, tu es étudiante, tu as un projet à faire et c’est moi que tu as choisi comme patiente ? Tu peux me demander tout ce que tu veux. Moi aussi, je sors de l’école, j’ai eu mon diplôme il y a deux mois et j’exerce dans cet hôpital dans l’aile psychiatrique. » Elle me sourit, visiblement contente et rassurée d’avoir affaire une personne coopérative. Je sais ce qu’est la vie d’étudiante, surtout avec des patients chiants. Absolument pas facile.
« En fait, je dois faire un recueil de donnée. Donc j’aurais des questions un peu personnelles à vous poser… » ;
« Allez-y… » ;
« Alors, vous pouvez me parler de vous et votre famille. » J’hoche la tête.
« Alors… Je suis née il y a 21 ans ici même à Rockhampton, j’ai deux frères, un plus âgé que moi, l’autre plus jeune. Je vis avec eux actuellement, une sorte de colocation… Nos parents sont partis vivre en France. Ma mère est française, c’est pour ça. Par contre moi, je ne parle pas un mot de français. » Je la regarde prendre note des informations que je lui donne.
« Vous avez des occupations en dehors de votre boulot ? » Une nouvelle fois j’acquiesce.
« Déjà je m’occupe de la maison. Le linge, les repas et tout ça… Parce que si je devais compter sur mes frères, je devrais me racheter des habilles toutes les semaines et je passerais ma vie à manger McDo. Sinon, je fais de la natation. J’en fais depuis mes 12 ans. Au lycée, je faisais même des compétitions. J’avais même reçu une bourse pour continuer dans le domaine, mais je me suis blessée à la cuisse, alors on a jugé que je n’étais plus à la hauteur pour devenir une grande de la natation... Dommage. A côté de ça, je sers de temps à autre de modèle nue pour certains amis artistes. Sinon, rien d’autres. Mis-à-part accompagner mes frères à des matchs de foot que je déteste et me faire casser le poignet. » Le silence retombe et j’entends à peine la pointe de son stylo gratter sa feuille qui se noircit petit-à-petit.
« J’ai un chat aussi… J’adore les chats. Et je crois qu’il faut que tu notes mes allergies aussi : kiwi, noix et ananas. » ajoutais-je, sachant exactement ce qu’il faut qu’elle me demande, ayant déjà fait ce genre de recueil je ne sais combien de fois. Et puis d’un coup, elle lève les yeux et je remarque qu’elle retient ces larmes, qu’elle est prête à craquer.
« Dites, comment est-ce que vous avez fait pour y arriver ? Je suis à peine à ma première année, et j’en peux plus… » ;
« Il suffit d’y croire. Et tu verras, trois ans, même si ça sera la trois années les plus horribles de ta vie, ça passe vite. »Chapitre 3
« Lundi 8 juillet, le monde du foot connaissait un nouveau drame. Quelques semaines après l'arrêt cardiaque de l'Italien Roméo Giabiconi en plein match, c'est l’Australien, Chris Philipps qui a été victime d'un arrêt cardiaque.
Mais alors que le jeune Italien de 25 ans a succombé à ses souffrances, sous les yeux affolés de ses coéquipiers et adversaires. L’attaquant anglais âgé de seulement 23 ans s'en est miraculeusement sorti malgré une mort clinique de 78 minutes.
Ce samedi donc, l'équipe d‘Australie affronte, pour un match amical, la Corée, lorsque Chris Philipps s'effondre sur la pelouse aux environs de la quarante-troisième minute. Il tente de se relever à deux reprises mais sans jamais y parvenir. Les secours comprennent immédiatement l'urgence de la situation, pratiquent un massage cardiaque et essaient de réanimer le milieu de terrain, avant que l'ambulance n'arrive et ne transporte le joueur à l'hôpital.
Le fait que Philipps ait survécu à un arrêt cardiaque, à la suite duquel il a dû subir quinze secousses de défibrillation durant les soixante-dix huit minutes qu’il a passées inconscient, est ahurissant. Il est extrêmement rare de survivre à ce genre d’accident. D’ailleurs, le taux de survie à un arrêt cardiaque lorsqu’il survient en dehors d’un hôpital n’est que de 1%.
Nous ignorons toujours les complications ou anomalies cardiovasculaires qui sont à l'origine de l’arrêt cardiaque de Philipps. Seuls ses médecins et ses proches le savent. » Chapitre 4
Les toilettes. Endroit intime, confiné, idéal pour chialer si besoin. Ou pour faire ses besoins. A vrai dire, au départ, c’est plus prévu pour pisser ou chier… Parfois vomir. Ou alors changer son tampon quant il est blindé. Ou peut-être bien baiser. Mais vraiment à la base, c’est pour chier et pisser. Vraiment. Mais pour pleurer c’est pas mal aussi. A condition qu’il n’y ait pas un gros porc en train de retapisser la cabine d’à côté. Retapisser, et pas avec de la peinture, si vous voyez ce que je veux dire.
En soi je n’ai jamais aimé cet endroit. La plupart du temps, c’est vraiment crade, et tu entends tout. Vraiment tout. C’est pour ça que je me débrouille pour faire mes besoins nul-part ailleurs que chez moi. Et puis au moins, j’ai moins de chance d’attraper une mauvaise bactérie ou une sale gastroentérite. Mais bon, il y a un début à tout n’est-ce pas ? Il suffit d’une envie, une envie généralement décrite comme étant pressante, pour que je me retrouve assise dans cet endroit de merde à chialer.
Le rapport entre les toilettes de l’hôpital et mes larmes ? Vous allez comprendre…
Les larmes peuvent être sources de différents sentiments. La joie, le plaisir, la colère, la tristesse. Et là, autant vous dire tout de suite que si je chiale dans des chiottes, ce n’est pas par plaisir. Vous êtes probablement en train de vous dire que c’est le pur cliché de la meuf qui vient de se faire larguer par son soi-disant homme de la vie et qui chiale comme une débile en pensant qu’elle ne s’en remettra probablement jamais ? Et bien non. Parce que déjà, j’ai que 19 ans, je suis aussi vierge qu’une feuille de papier qui sort fraichement de son paquet et je suis pas amoureuse. Alors non… La réalité et bien loin de là.
Là réalité, c’est que je viens de découvrir que j’ai des tendances claustrophobes quand je reste enfermée trop longtemps dans un endroit aussi petit qu’ici. La réalité, c’est que pour la première fois de ma vie, alors que j’ose enfin aller aux toilettes autre part que chez moi, je suis coincée. Pas moyen de tourner ce foutu verrou. J’ai essayé dans tous les sens possibles. J’ai tiré de toutes mes forces, bon c’est sur qu’avec le peu de muscles que j’ai, je n’vais pas allée très loin, mais j’ai essayé ! Et puis j’ai commencé à paniquer. A frapper des poings, à hurler comme une malade. Mais c’est sur qu’avec tous les malades qu’il y a dans cet hôpital, mes cris passent totalement inaperçus. Et vous savez quoi ? Je me suis même mise à prier pour qu’un gros porc apparaisse par magie avec l’envie pressante de vouloir dégueulasser la porcelaine déjà bien crade des chiottes d’à côté et donc, logiquement, de pouvoir m’aider à sortir. De préférence, avant d’aller éliminer sa bouffe du repas de midi. De préférence.
C’est le genre de truc qu’on voit souvent à la télé, qu’on lit dans des livres ou sur internet, avec pour titre un truc du genre
« Insolite » ou bien
« Fallait le faire ! ». C’est le genre de truc qui n’arrive qu’à moi. A croire que j’ai la poisse. Que le destin s’acharne sur moi. D’ailleurs j’ai deux mots à lui dire à celui-là. S’il existe vraiment, qu’il aille se trouver une autre tête de turc, car j’en ai ras-le-cul d’avoir une vie de merde. D’ailleurs… vous devez probablement connaitre ce site, qui regroupe un nombre incalculable de petites histoires qui nous pourrissent notre quotidien. J’en ai déjà posté une bonne vingtaine, la prochaine fois, promis, je demande une carte de fidélité ! Et oui ! Je suis une fidèle moi ! C’est comme chez les pompiers, j’ai mis leur numéro en premier dans mon répertoire, histoire d’être sure et certaine de pas trouver le moyen de me tromper en cas d’urgence. Parce que des trucs du genre, il m’en arrive une tonne. Et ça va du PC qui plante sans raison alors que j’ai un devoir à rendre pour le lendemain en allant au nez qui se casse sous la douche parce que je me suis crue en plein concert en train de faire une reprise probablement à chier, car ma voix par en couille, de Knocking On Heavens Door.
Comme dirait mon aîné, j’ai la vie la plus bandante du monde ! Ou presque.
Je soupire, sanglote et arrache un morceau de papier toilette pour essuyer mes larmes et me moucher bruyamment. Et miracle de la vie, destin merveilleux, magie, appelez cela comme vous voudrez, j’entends un bruit de porte. Alors que je me voyais déjà dépérir dans ce trou pendant une bonne dizaine d’année – d’accord j’exagère – voilà qu’un espoir né ! Et je reste étrangement silencieuse. Qu’est-ce que je dois faire ? Me jeter sur la porte et hurler pour qu’il me sorte de là ? Grimper sur les toilettes et lui faire un petit coucou… Donner des coups pour lui faire comprendre qu’il n’est pas seul ? La porte de la cabine d’à côté s’ouvre. Je respire un bon coup et laisse échapper un nouveau sanglot. Et cette fois-ci plus proche de la joie et de l’euphorie que la tristesse.
« Hhhm… Bonjour. » Silence, aucune réponse. En même temps, c’est un peu bizarre les gens qui décident de faire connaissance au WC non ? Mais bordel, c’est pas pour faire connaissance, c’est pour me sauver la vie !
« C’est à moi que vous parlez ? » ;
« Non au canard dans les toilettes ! » Ouais, du tac-au-tac. J’ai toujours était ce genre de fille qui n’a pas sa langue dans sa poche, débite de la merde à longueur de journée et ferait mieux de la fermer de temps à autre.
« Ok bah… Salut ». Le bruit de la chasse d’eau et la porte qui s’ouvre. Je voulais me montrer plus forte que je ne le suis. Je craque.
« Non, non revenez s’il-vous-plait ! Je suis à la limite de la crise de nerfs ! Je suis coincée dans ces putains de toilettes depuis une bonne vingtaine de minutes et je vais sans doute finir par tenter un suicide en me noyant dans la cuvette si personne ne me sort de là ! » ;
« Peut-être que vous devriez tourner le verrou… » ;
« Sans blague quelle idée lumineuse ! J’y avais pas pensé avant ! Merci, vraiment. Vous avez fait combien d’année d’études pour être capable de me lâcher ça ?» Ironie quand tu nous prends. Comme si j’étais débile à ce point. Exaspérant. Il ne répond pas, j’entends même le bruit de ses pas s’éloigner de moi et je me rends compte qu’à force d’ouvrir ma grande gueule, je risque fort de rester coincer ici encore quelques minutes de plus, si ce n’est des heures. L’impulsivité et moi, on n’fait qu’un, surtout en moment de stress totale, comme maintenant.
« Je vous en supplie faite quelque chose. J’en peux plus ! » ; J’entends un soupire de l’autre côté de la paroi.
« Je vais chercher quelqu’un ! » Cela me semble être une bonne idée, jusqu’à ce que je réalise que s’il va chercher quelqu’un je serais encore seule. Et hors de question qu’il me laisse une nouvelle fois abandonné à moi-même dans ces toilettes. Parce qu’en plus, rien ne me garantit qu’il reviendra.
« Non, non ! Restez ici ! Je veux pas rester seule ! On a qu’à attendre que quelqu’un d’autre vienne ou trouver une autre solution… » Il soupire une nouvelle.
« Ok. » Silence. Silence. Silence. C’est qu’il a beaucoup de conversation ce mec… Je me demande à quoi il ressemble, à qui j’ai affaire. A sa voix, j’imagine trop le mec stéréotypé qui doit probablement s’appeler Brendon, parce que ça mère était folle amoureuse d’un acteur de série américaine durant sa grossesse. Sans doute blond et beau gosse. Le genre de mec qui se prend pas pour n’importe qui et qui saute tout ce qui bouge, qui finit toujours la tête dans les chiottes en fin de soirée, ou alors entre des cuisses. Probablement. Mais s’il avait réellement était ce genre de mec, il aurait sans doute préférer aller draguer la première pouffiasse passant dans le coin plutôt que d’attendre avec moi ici. Je soupire à mon tour.
« Vous vous appelez comment ? » ;
« Chris. » J’entends du bruit de l’autre côté de la paroi et je me mords la langue. J’ai peur qu’il s’en aille et m’abandonne. Je crois que j’aurais fait ça à sa place. Je me demande même comment il fait pour garder patience et rester auprès de moi. Mais je réalise qu’il s’est laissé glisser contre la porte, pour s’assoir au sol.
« Vous êtes toujours comme ça ? » me demande-t-il.
« Comment ? » ;
« Comme ça. Franche. Voir même arrogante. » Cette fois-ci, c’est ma lèvre inférieure qui devient la proie de mes dents. C’est donc la vision qu’il a de moi ?
« Seulement quand je suis dans une situation que je ne maîtrise pas » avouais-je en un nouveau sanglot. C’est vrai. Je peux même devenir vraiment méchante quitte à me sortir de la situation en question.
« Vous pleurez ? » me demande-t-il, le son de sa voix trahissant quelque peu sa stupéfaction. Je ne réponds pas, sans doute par peur de répondre encore quelque chose qui puisse l’irriter.
« Vous n’avez pas de portable sur vous ?» Sans blague. Il est réellement abrutit ou bien il le fait exprès ? Comme si j’étais assez stupide pour ne pas avoir pensé à cela. Mais malheureusement, mon téléphone m’attend sagement dans mon casier avec le reste de mes affaires.
« Non, je l’ai pas, il est aux vestiaires !» je réplique plutôt froidement.
« Putain de merde ! Faut que je sorte de là ! Aidez-moi ! » Je l’entends se lever.
« Je peux pas faire grande chose vous savez ? vous voulez que je reste ici… » ;
« Bah je sais pas ! Vous n’avez qu’à défoncer la porte ! Arracher la paroi ! Sauter par-dessus ! » ;
« Vous m’avez pris pour un Super Héro ou quoi ? » Je grimace.
« Vous êtes vraiment à chier comme sauveur ! » ;
« Et vous vraiment chiante ! » Le silence retombe ponctuait par mes quelques spasmes d’angoisse. Finalement, je commence limite à me faire à cet endroit. J’essaye de bidouiller le verrouille, en vain. Je donne quelques coups de pieds dans la porte, quitte à me faire mal, plus par énervement qu’autre chose. Je sais très bien que ce n’est pas l’un de mes minables coups qui changera quelque chose.
« Vous ne m’avez pas dit votre prénom. » Tiens j’avais presque oublié qu’il était là. Je ne réponds pas.
« On s’en fiche. L’important c’est de me sortir de là ! Si vous croyez que je vais passer le reste de ma journée à papoter et faire connaissance avec vous ici, vous vous trompez ! D’ailleurs vous n’avez du boulot ? Vous êtes quoi ? Médecin ? Psychologue ? » Je regrette presque aussitôt les mots qui ont franchis ma bouche. Je l’entends jurer. Et je me dis que c’est bon, mon sauveur, aussi minable soit-il à décidé de m’abandonner à mon sort. Je guette le moindre bruit, pourtant je n’entends pas la porte claquer, ni même des pas m’indiquant qu’il me quitte.
« Vous êtes souple ? » Sa voix résonne une nouvelle fois dans mon oreille. Je suis rassurée.
« C’est quoi encore cette question de merde ? » Je l’entends bouger.
« Rien, je me disais que si vous étiez souple et plutôt mince, vous pourriez peut-être essayer de passer par-dessus la paroi des toilettes. » ;
« Je ne suis plutôt grande mais je n'atteindrais jamais le haut de la cloison et j'ai un poignet dans le plâtre! » ;
« Vous n’avez qu’à grimper sur les toilettes. » Je lève la tête, regarde la paroi, plutôt haute mais suffisamment loin du plafond pour que je puisse y passer. Et je décide de me fier à ses conseils. Du haut de mon mètre soixante-dix, je grimpe sur la lunette des toilettes.
« J’y arriverais pas ! » ;
« Arrêtez de vous plaindre et essayez, je serais de l’autre côté pour vous aider à atterrir. » Je ronchonne. Je guette autour de moi quelque chose qui pourrait m’aider dans mon ascension des toilettes du l’hôpital, et décide de me servir de la chasse d’eau comme aide. Me voilà en équilibre. Je pause mes mains sur le haut de la paroi, jette un autre coup d’œil vers le bas et je le préviens.
« A trois j’arrive ! » Je soupire
« Un ». J’y arriverais pas. Je vais probablement me ramasser comme une merde.
« Deux ». C’est du suicide. Je vais sans doute finir aux urgences une nouvelle fois et il va se foutre de ma gueule.
« Trois ». Je prie pour que le dérouleur de papier toilette soit suffisamment solide pour supporter mon poids, et me hisse dessus, me poussant avec une force inimaginable de l’autre côté. J’ai à peine le temps de pouvoir mettre un visage sur son prénom. Il est bien loin du Brendon stéréotypé que je m’imaginais. Pas du tout le même genre, les cheveux en bataille, mal rasé. Mais plutôt canon. Je le reconnais. Je le reconnais. Je le reconnais. Il a les bras levé pour m’aider. Et j’atterris contre lui. J’ai à peine le temps de le reconnaître. Je glisse ou alors peut-être bien que mes pieds cèdent sous mon poids, j’attrape la manche de son tee-shirt, et je l’entraine dans ma chute.