15/05/2013 ‹ Je ne sais même pas comment commencer à écrire dans ce truc. "Bonjour" ? "Cher Journal" ? Eurk, non merci. Mais bon, pour une fois, mon psychiatre m’a donné une idée pas trop foireuse, alors je vais la suivre. Le but étant de me souvenir de plus de détails possibles, alors je suis désolée si une espèce de pervers dégueulasse s’amuse à lire ce qui semble être le journal intime d’une adolescente mais ça va être long. Et ennuyeux. Ma vie n’est pas des plus palpitantes. On va commencer par les bases. Je m’appelle Euphemia. En fait non, je m’appelle Henrike, Euphemia est mon deuxième prénom. Mais quand ma mère est morte, je me suis dit que j’allais garder pour moi le seul cadeau qu’elle m’ait fait dont jamais je ne pourrais me défaire même si je le voulais : mon prénom. Alors après avoir remarqué que si on m’appelait Henrike, je pétais une pile et donnait un coup de poing la plupart du temps au malheureux, tout le monde s’est mis à m’appeler par mon deuxième prénom. Euphemia. Je ne sais pas de quelle origine il est mais c’est mon père qui l’a choisi. Lui, contrairement à ma mère qui était danoise, est un pur australien de souche. Il n’y a pas plus conservateur et fier de sa nation que mon père, chose qui m’insupporte parfois mais bon. Bref, Euphemia donc, c’est moi. Et les coups de poings ont pas pour autant cessé, même si à l’époque je devais avoir huit ans. Je crois que j’ai toujours été comme ça. Mon psychiatre me dit que ma maladie a aggravé mon agressivité mais je ne le crois pas. J’ai toujours été la sale gosse du quartier. C’est comme ça que les mères de familles m’appelaient quand elles pensaient que je n’entendais pas. Sale gosse. Elles avaient pas vraiment tort au final. Mais je ne verrais pas cela comme quelque chose de négatif, non. Je dirais plutôt que le ciel m’a fait don d’un talent exceptionnel, de l’art et la manière innées de faire chier la terre entière. C’est vraiment tout un art, trouver des crasses plus créatives les unes que les autres. Mais ça marche toujours. Et c’est jouissif. BREF. J’étais pas censée raconter qui j’étais à la base, ça je l’oublierais jamais. Suffit que je me parle pour savoir que je suis la pire chieuse que cette planète ait connue. Revenons donc au sujet. Ma mère est décédée quand j’avais huit ans et à partir de ce moment, en plus de me faire appeler Euphemia par tout le monde, je suis partie vivre chez mon père et mon frère. Que je ne connaissais pas. Joie. Ou du moins que je n’avais seulement vu à de rares occasions. Mes parents étaient ce genre de couple qui font un bébé puis qui décident qu’ils ne sont pas fait pour être ensemble et qui repartent chacun de leur côté avec un gosse sous le bras. Ah, parce qu’en plus d’être mon frère, ce type est aussi mon jumeau. Et le mec le plus important de ma vie. Mais à l’époque, je les détestais, lui et mon père et je leur faisais savoir. Je crois que mon frère en a longtemps été blessé, même s’il me taquinait en retour. Mais voilà, mon mode de vie a changé et j’ai mis du temps à m’y faire. Mais je m’y suis faite. Et quand je pensais que tout allait mieux dans ma vie, que les garces du collège avait enfin fini de me casser les couilles (pas trouvé de meilleure expression), mon meilleur ami est tombé dans le coma quand j’avais 16 ans, à cause d’un accident totalement stupide auquel j’ai largement participé. Il ne s’est jamais réveillé. Ses parents se sont acharné jusqu’au bout, puisqu’il est encore sous assistance respiratoire aujourd’hui mais je sais bien que c’est trop tard et qu’il est déjà mort. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’il est ici, quelque part dans un hôpital du Queensland, parce que c’est là que mon père a toutes ses relations – et c’est lui qui leur a conseillé l’hôpital, bien sûr. Bref, deuxième gros coup dur de ma vie. Et puis les choses sont allées graduellement mieux, j’ai enfin trouvé ce que je voulais faire de ma vie. Et là, BIM DANS TA GUEULE, maladie de Huntington. Deuxième bim, ma mère l’avait aussi. Et elle en est morte, alors qu’on m’avait toujours dit qu’elle avait eu un cancer, ce qui n’a rien à voir. C’est héréditaire cette merde. Et c’est 50/50, soit ton gosse l’a, soit il l’a pas. C’est tombé sur moi au lieu de mon jumeau, histoire de m’achever une bonne fois pour toute. Mais je m’en fiche. J’ai toujours su que j’allais mourir jeune, alors c’est pas ça qui va m’empêcher de dormir. C’est juste chiant de passer pour la débile de service.

PS : je viens de me rendre compte que j’ai encore oublié le but de ce carnet : raconter ma journée. Tant pis, j’ai pas que ça à faire. Aujourd’hui, ce sera la journée introduction dans la vie de moi. Enjoy.