« Elsa, ma chérie. C'est le temps de ton rendez-vous avec la psychiatre. » dit l'infirmière à la jeune femme assise dans son lit. Elle venait d'ouvrir la porte et d'entrer dans la petite chambre. Elsa est déjà habillée, elle est prête à affronter ce rendez-vous, même si elle les déteste. Elle ne veut pas s'ouvrir aux autres. Elle ne veut pas expliquer le pourquoi du comment elle est comme ça. Ils savent qu'elle est anorexique, ils sont au courant pour sa boulimie. Ils connaissent aussi ses tendances à angoisser en présence d'hommes. Le hic, c'est qu'ils ne savent pas pourquoi elle fait tout cela. Ils ne doivent pas savoir. Elsa jette un coup d'oeil dans un coin de la pièce. Il lui fait signe de se taire. Elle secoue la tête. Il ne l'embêtera pas aujourd'hui.

Elle se lève donc et accompagnée de l'infirmière, Elsa se dirige vers le bureau de sa psychiatre. La surprise peint son visage lorsqu'elle voit que ce n'est pas la même que d'habitude. C'est un homme en fait. La jolie brune a aussitôt un mouvement de recul. Mais elle ne peut pas s'enfuir.

« Bonjour Mlle Roseburry. Votre référente est souffrante et m’a demandé de l’excuser auprès de vous. Je me présente, Dr. Worthington et si vous le voulez bien, je vous accompagnerais durant cette séance. » dit-il. Elsa n'a aucune envie qu'il s'occupe d'elle aujourd'hui. Elle jette un regard apeuré à l'infirmière. « Ça va bien aller, Elsa » dit cette dernière pour tenter de la rassurer. « Le Dr. Worthington est très gentil. » ajoute-t-elle. Son frère était gentil lui aussi...

Le Dr. fait signe à Elsa de s'assoir, mais cette dernière ne bouge pas d'un millimètre. Sa journée tourne au cauchemar.
« Etant donné la situation exceptionnelle, souhaiteriez-vous être accompagnée par Mlle Bradshaw ? » ajoute-t-il.

Comme Elsa sait qu'elle n'a pas le choix d'être là, elle acquiesce. À contre coeur, elle va s'assoir. Mais s'il veut obtenir quelque chose aujourd'hui, il se met le doigt dans l'oeil celui-là. Elsa sent monter la panique malgré la présence de l'infirmière. Décidément, le sort s'acharne sur elle.

Elle ne fait pas exprès. C’est instinctif ses réactions. Elle a peur des hommes et elle a l’impression que ce sera toujours le cas. Au premier abord, ils ont toujours l’air gentil. Ils s’approchent d’elle, lui disent que tout va bien aller… C’est que lui a fait. Elsa est si naïve qu’elle s’est laissée faire. Personne ne lui avait dit que ce n’était pas normal. Elle était si jeune quand il a commencé à la maltraiter. Il n’a pas toujours été gentil avec elle après ça. Après avoir eu ce qu’il voulait, il l’a frappé. Et ça a continué encore et encore pendant terriblement longtemps. Jusqu’à ce qu’il meure, le sur lendemain des dix-huit ans d’Elsa. Son vœu s’est réalisé, alors pourquoi se sent-elle si coupable? Le docteur ne saura pas tout cela. Elsa va mourir avec ce lourd secret…

Finalement, l’infirmière reste. La jolie brune s’assoit et elle attend. Le docteur ne dit rien. Il joue avec son crayon. Visiblement, Elsa ne comprend pas la situation. Elle fronce un sourcil, puis l’autre. Que lui veut-il? Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il a une drôle d’approche. Ça reste ainsi quelques instants avant qu’il ne parle enfin à nouveau. Il lève tout d’abord son regard vers elle et ouvre la bouche. « Des angoisses, hein? » dit-il. Il lui parle simplement des symptômes. Il n’en demande pas la cause. Il a l’air détaché. S’intéresse-t-il simplement à elle? Tout d’abord, pendant un moment, Elsa ne bouge pas et ne dit rien. Puis, soudainement, elle oscille légèrement la tête pour dire oui.

Mais elle regrette aussitôt parce que l’homme plante son regard dans le sien. Elle a envie de se faire toute petite sur sa chaise et disparaitre. « Elsa, je ne vais pas vous forcer à parler et en toute franchise, je ne me confierais pas non plus à un inconnu donc si vous voulez, on peut aussi bien discuter du beau temps. Est-ce que vous vous plaisez à la clinique? » demande-t-il.

Elsa ne connait pas cette approche. Elle est totalement différente de celle de sa psychiatre. Elle se mordille la lèvre inférieure et hésite à répondre. Mais la question de l’homme et sa réponse ne peuvent pas lui faire du tort, non? Elsa ouvre finalement la bouche à son tour. « Oui » dit-elle finalement. Oui, elle se plait à la clinique. Elle aime être là. Elle se sent en sécurité.

Elsa n’est pas en confiance, loin de là. Mais si elle sait que si elle ne répond pas aux questions de l’homme, au moins en partie, elle en a pour des heures. Il ne la lâchera pas. Peut-être même voudra-t-il l’avoir pour patiente la prochaine fois… Elle n’ose même pas penser à cette éventualité. Elle frissonne juste à cette possibilité. Doit-elle lui mentir pour qu’il la laisse tranquille? Doit-elle s’inventer une vie? Mais le peut-elle vraiment? Si elle est dans cet état, il faut bien qu’elle ait subi un traumatisme. Peut-il être moindre que ce qu’elle a réellement vécu? Elle en doute. Elle n’a pas le choix. Il va bien finir par apprendre des choses bien malgré elle. Finalement, elle a parlé. Elle a dit un mot « oui »… Ce n’est pas suffisant. Le docteur est loin d’être satisfait. Elsa s’imagine ce qu’il pense dans sa tête. Mais elle est loin du compte.


« Parfait ! Je ne travaille pas ici depuis longtemps et pourtant, je m’y sens déjà mieux que chez moi...Je n’ai même pas encore fait le tour complet de la ville. Vous-y rendez-vous parfois ? » demande le Docteur. Il a de drôles de questions, lui! Elsa hésite à lui répondre, même si elle sent qu’elle n’a rien à craindre. Ses interrogations ne pourraient pas lui faire du tord, non? « J’y vais le moins souvent possible… » dit la jolie brune.


À vrai dire, il est très rare qu’elle mette les pieds en dehors de la clinique, même si elle en a le droit. Elsa ne veut pas voir sa famille… Elle ne veut pas croiser les gens qu’elle a côtoyés par le passé. Elle n’a pas d’amis de toute façon, alors pourquoi imposer sa présence malade aux autres? Cela ne servirait à rien, sauf à créer des crises d’angoisse chez la demoiselle. « Où voulez-vous en venir avec ces questions? » demande Elsa du tact au tact. Elle n’a rien à perdre après tout. Mais elle se rend compte qu’elle s’est mis les pieds dans les plats. Elle se recroqueville dans sa chaise et s’enferme dans un mutisme qui lui est familier. Elle ignore pourquoi elle a parlé aussi ouvertement. Malgré elle, le psychiatre lui inspire confiance… « Tu ne devrais pas lui parler… T’es une moins que rien… Il va tout de suite voir que tu es folle… T’auras plus de privilège. Mais ce n’est que cela que tu mérites… » te dit ton frère. Il est derrière le Docteur. Il t’a fait sursauter bien malgré toi. Tu veux qu’il s’en aille, mais tu ne peux rien dire…