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 Kiss the bricks - Thanatos.

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Mnémosyne E.V. Ayling
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MessageSujet: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptySam 31 Aoû - 22:18

Kiss the bricks - Thanatos. 310432rpmnemo2

Ça n’arrive qu’aux autres.
Même inconsciemment, qui ne n’est jamais fait cette réflexion ? Honnêtement, les accidents, qu’ils soient routiers ou humains, ne nous concernent pas pour la grande majorité. Certes c’est triste, puis nous pensons à autre chose. C’est normal en quelque sorte, ça permet de maintenir de la distance entre nous et un événement tragique. C’est un mélange de passivité collective et d’une pointe de compassion pour faire bonne mesure. Ça n’est pas de l’égoïsme, sinon comment survivre dans un monde où toutes les catastrophes nous affligeraient profondément ? C’est une drôle de normalité. Une espèce d’accoutumance à la souffrance d’autrui. Ça n’arrive qu’aux autres. Et si quelque chose devait nous arriver à nous, notre personne, notre entourage ? Que quelque chose de terrible nous plonge dans quelque chose d’insoupçonné. Quelque chose qui, normalement, ne doit pas nous arriver. Une probabilité infime, dérisoire, si insignifiante que tous les jours nous passons outre et continuons notre bonhomme de chemin. Presque insouciants. Car après tout, combien de chance (ou plutôt de malchance) ai-je sur des centaines de milliers, de millions de personnes, sur plusieurs milliards d’êtres humains sur cette planète immense que cela m’arrive ? Après tout, se faire écraser par une voiture c’est un peu comme gagner au loto, ça n’arrive pas souvent. Enfin, il y a plus de gagnants dans une de ces deux perspectives. De beaux tissus, des fleurs en pagailles, toute la famille qui se réunie rien que pour nous. Ce n’est pas ça, le plus grand des luxes ? Superbe cortège funéraire. Ça n’arrive qu’aux autres. C’est un peu comme un refrain, un credo. C’est facile à dire, ça glisse dans la bouche. La langue arrive fichtrement bien à articuler ces quelques syllabes, ces mots. Car ce ne sont que des mots. De simples mots. Ils se dérobent à notre mémoire, quand avons-nous pensé ou dit ça ? Impossible à dire. Nous ne voulons même pas y penser. Ils sont plus faciles à oublier que la sensation de douleur poignante, que la peur au ventre. Une terreur qui prend au ventre et vous donne l’impression de mourir, en quelque sorte. Elle-même avait déjà oublié quand elle s’était dit ça la dernière ou la première fois. Pourquoi se perdait-elle dans ce genre de réflexion ? Ça n’arrive qu’aux autres. Pourquoi maintenant ?

Le coup de poing qu’elle reçut au visage eu l’effet d’une bombe. Mnémosyne eu l’impression que sa pommette gauche était en feux, un brasier pur de douleur. Sonnée, elle tituba en arrière et sentit bientôt le mur de briques rouges derrière elle. A peine eut-elle le temps de se remettre qu’elle sentait déjà que son assaillant repartait à la charge, la plaquant avec la force d’un rhinocéros shooté aux amphétamines. Un râle étouffé s’échappa des poumons de la psychiatre, elle avait senti ses os craquer sous la pression. C’était comme passer sous un rouleau compresseur, un tank. Elle commençait à sentir les mains hideuses du type essayant de remonter le tissu de sa jupe serrée, prise de panique elle enfonça ses dents dans la première chose qui lui venait, à savoir l’épaule de son agresseur. Le cri de celui-ci lui explosa les tympans, et bientôt  elle sentit quelque chose qui lui empoignait les cheveux.

« LÂCHE MOI SALE PUTE ! LÂCHE MOI PUTAIN DE SALOPE ! »

Le goût métallique du sang envahissait sa bouche, c’était extrêmement désagréable mais beaucoup moins que l’impression qu’on lui faisait un scalp. Elle aurait voulu hurler à plein poumons, mais lâcher sa prise, c’était comme signer son arrêt de mort. Renoncer à tout espoir que quelqu'un lui vienne en aide. Il fallait gagner du temps. Combien en avait-elle ? Le soleil s’était couché depuis longtemps et personne ne passait ici à cette heure-ci. Normalement, elle ne quittait jamais le travail aussi tard mais elle avait eu du travail en plus. Juste cette fois, juste aujourd'hui. Et elle était tombée sur cette bête répugnante. Un nouveau coup la cueillit dans l’abdomen et elle failli lâcher. Elle n’en pouvait plus, mais la seule perspective de… C’était pire que tout. Pire que la mort elle-même. Elle sentait la chair de son agresseur glisser entre ses dents, bientôt elle n’aurait plus aucune prise. Se ramassant sur elle-même, la psychiatre envoya un formidable coup de pied dans l’entrejambe de l’inconnu qui vociféra de plus belle, l’insultant de tous les noms possibles et imaginables. Elle rétablit son équilibre autant qu’elle le put et tenta de fuir. Elle n’avait cure de se tordre la cheville sur ses escarpins, et plusieurs fois elle failli basculer tant elle était déstabilisée. Un temps infiniment long paru passer, comme si tout se passait au ralenti. En fait, elle n’avait même plus conscience ou la moindre idée d’où elle se trouvait exactement. Les étoiles tournaient et semblaient tomber comme des confettis devant ses yeux, à moins que ce ne fut que la douleur qui l’aveuglait. Ses jambes lui paraissaient infiniment lourdes, elle n’avait qu’une envie : vomir. Seulement il fallait courir, plus vite, plus vite encore. Ne pas savoir où l’on va, ça n’est pas bien grave, il fallait juste mettre un maximum de distance entre lui et elle, essayer de rejoindre une rue plus animée. Demander de l’aide. De l’aide. Elle avait juste besoin d’aide.

Elle n’eut même pas le temps de faire trois mètres.
Il se jeta sur elle, et avant même qu’elle ne se rende bien compte de ce qui lui arrivait, Mnémosyne se retrouvait par terre, tirée en arrière par une force surhumaine. Un hurlement d’effroi dépassa la barrière de ses lèvres, en un rien de temps il s’était retrouvé à califourchon sur elle. Les deux grosses mains de l’homme se refermèrent autour de son cou. Il n’arrêtait pas de lui dire de la fermer de toutes les façons possibles et imaginables. Agacé, pris de panique à l’idée que quelqu’un puisse l’entendre, il resserra sa prise. Un glapissement terrifié, suivi d’un râle étrange remplaça le cri. Elle tentait de lui faire desserrer sa prise, mais rien n’y fit. Bientôt, elle vit de gros points blancs et étranges remplir sa vision, obscurcissant sa vision, la baignant comme dans une myriade de gros boutons de roses. Sa respiration était courte, haletante. La jeune femme essayait tant bien que mal à se maintenir en vie, tout en préférant mourir. Car même si son esprit partait, elle avait tout de même quelques restes de sensations de son corps. Mêlées à une impression de picotements et d’engourdissement complet, et au-delà des brumes de la douleur, elle pouvait percevoir distinctement le fait qu’il ouvrait son chemisier sans aucun ménagement. Elle n’avait plus que les yeux pour pleurer. Vidée de toute force, de grosses larmes coulaient sur ses joues. La gauche, meurtrie, la faisait énormément souffrir et même le contact de la goutte salée était horriblement douloureux. Elle essaya de formuler quelque chose mais une gifle monumentale lui fit perdre de nouveau ses repères. La jeune femme savait ce qu’il allait se passer. Quelque chose pire que la mort.

La vie n’est-elle pas un éternel recommencement ?
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Thanatos M. Vassilievski
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MessageSujet: Re: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptyDim 1 Sep - 13:47

Il est tard. Très tard. Beaucoup trop tard pour moi. Chassé de mon lit par des cauchemars abominables, réminiscences d'un passé que je donnerais tout pour oublier, mais qui revient sans cesse me hanter tel un esprit frappeur, cela doit faire environ une heure que je déambule dans les rues désertes de Rockhampton. Le silence est total, à l'exception du murmure rapide de quelques rares voitures qui passent dans les rues avoisinantes. Avec un soupir las, je vais m'asseoir sur un banc à l'angle d'une avenue et enfouis mon visage entre mes mains rougies par la brise froide qui s'engouffre entre les immeubles. Mes paupières sont lourdes et mes muscles engourdis. Je frissonne dans l'air glacé. Qu'est-ce que je donnerais pour quelques heures de sommeil tranquille, sans rêves, sans souvenirs, sans toutes ces choses qui me rappellent un peu plus à chaque vision que certaines blessures ne peuvent jamais vraiment guérir. Un bruit incongru me fait soudain sursauter. Surgi des tréfonds d'une rue quelconque comme un diable sort de sa boîte, un hurlement strident vient briser le silence de mort qui régnait jusqu'alors sur le quartier, et se répercute en échos sourds contre les murs. Je me redresse d'un coup, les oreilles aux aguets, retenant mon souffle avec l’appréhension fébrile et douloureuse de quelqu'un qui a un très mauvais pressentiment. Ce cri, où l'horreur se décline dans chaque décibel, je le connais bien, je l'ai entendu dans la bouche de chaque militaire, chaque civil qui s'est effondré sous les tirs et les mines des géorgiens, en Ossétie du Sud. Pire encore, il me semble reconnaître ce timbre de voix, mais j'ai beau me creuser la tête, impossible de me souvenir à qui il appartient. Un frisson me secoue violemment le corps, mais malgré la peur qui me tord le ventre, je me lève d'un bond. Je ne peux pas rester sans rien faire. Je me mets à courir au hasard des rues, scrutant chaque centimètre carré que mes yeux peuvent apercevoir, me guidant aux échos étouffés qui me parviennent. Et bientôt, je trouve enfin ce que je cherchais.

Je me cache dans l'angle d'un mur, plongé dans le noir. Il est là, à quelques mètres de moi, avec son souffle rauque de bête fauve, déversant de sa voix hachée un flot quasi continu d'insultes et de menaces, à cheval sur un corps frêle qui se débat. Je n'ai même pas besoin de réfléchir pour comprendre toute l'horreur de la situation. Un nouveau hurlement épouvanté traverse la nuit, et mon cœur rate un battement lorsque je reconnais cette chevelure rousse qui s'étale en vagues désordonnées sur les pavés du trottoir et tressaille sous les coups de son agresseur. Le Dr. Ayling... Je fixe avec une nausée grandissante cet homme au visage rouge et couvert de sueur, qui d'une main lui enserre la gorge et de l'autre essaye fébrilement de déboutonner son chemisier. Stupide animal prisonnier de ses pulsions. Il cherche sans doute un carré de chair fraîche ou planter ses crocs avides... Mais le seul contact qu'il rencontre, c'est celui de ma ranger droite contre son visage. Je ne réfléchis même plus à ce que je fais. En une fraction de seconde, mon corps s'est lancé hors de sa cachette avec l'automatisme le plus total. Parce que c'est ce qu'on m'a appris à l'armée, à défendre ceux qui en ont besoin. Le violeur, totalement pris au dépourvu, émet un terrible glapissement et titube en arrière, le visage entre les mains comme pour tenter de retenir les flots de sang qui s'échappent de son nez sans doute cassé. Je viens m'interposer entre Mnémosyne et lui, me dressant de toute ma hauteur. Mes yeux céruléens vrillent les siens avec toute la haine et le dégoût qu'il est possible de ressentir. J'aurais espéré qu'à présent il s'en irait comme il était venu, mais bien loin de vouloir abandonner sa proie, il revient à la charge. Ses poings fendent l'air avec violence, et si j'ai le temps d'esquiver le premier, le second m'atteint de plein fouet à l'estomac. Je me plie en deux, désarçonné par cette douleur vive. Ma vision se brouille l'espace d'un instant et les sons se déforment autour de moi. J'entends un rire sardonique résonner autour de moi, venant de partout et de nulle part à la fois, et je me fige sur place, les yeux agrandis de terreur. Oh mon Dieu... L'Autre est là. Ce n'est pas le moment. Qu'est-ce qu'il va encore faire... Sans doute se délecte-t-il du triste spectacle qui se déroule dans cette rue. Je serre les dents. Mais contre toute attente, ce n'est pas à moi qu'il s'en prend. Ses murmures glacés me poussent à me redresser, m'exhortent à finir ce que j'ai commencé. Il ne m'en faut pas plus. Je me retourne vers l'homme, qui a de nouveau jeté son dévolu sur ma psychiatre, et me jette sur lui avec une sauvagerie que je ne maîtrise plus. Je frappe avec toute la violence dont je suis capable chaque parcelle de son corps que je peux atteindre, sans relâche, jusqu'à ce ses beuglements assourdissants ne soient plus que des râles épuisés. Mes mains agrippent alors le col de sa veste et je le plaque violemment contre le mur de briques qui nous fait face. Le craquement ignoble qui accompagne ce geste et le cri de douleur qui s'échappe de sa gorge m'arrachent un sourire satisfait. Je ne rêve plus que de lui briser les os un à un, de voir son corps répugnant se réduire à l'état de charpie sanguinolente, et de venger tous ceux qu'il a bafoué, toutes ces vies qu'il a sans doute gâché. Je n'écoute même pas ce qu'il me murmure d'une voix suppliante et précipitée, en essayant tant bien que mal d’échapper à mon emprise. Aveuglé par la haine, par le sang qui macule mon visage et répand son goût saumâtre dans ma bouche, je n'entends plus qu'une chose : La voix de l'Autre, dure et acérée comme la lame d'un couteau, qui siffle doucement à mes oreilles. « Tue-le. »  
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MessageSujet: Re: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptyMar 3 Sep - 1:15

Bouboum. Bouboum. Bouboum. C’était comme si une bombe venait de lui exploser à la figure. La jeune femme avait l’impression de mourir tellement elle avait mal, aux pommettes, aux joues, au cou, à l’abdomen. Elle était complètement désorientée, aussi. C’est étrange de se laisser aller comme ça, non parce que nous n’avons plus vraiment le choix, mais parce que nous n’avons même plus la maîtrise de quoi que ce soit. Tout semble se dérouler au ralenti, comme si l’univers tout entier avait dit stop. Le sang qui pulsait dans ses veines étaient faits d’un battement régulier, mais espacés. Faibles, et pourtant elle avait l’impression que celui-ci martelait contre ses tempes comme une enclume. Le bruit d’un tambour au-dessus de l’eau, alors qu’elle serait immergée dedans. Bouboum. Bou… Boum. C’était exactement ça. Mnémosyne avait l’impression de sombrer dans un abysse profond, bercée par les courants froids de sa conscience, alors qu’à la surface deux armées furieuses s’affrontaient. Les bruits, les fracas, les hurlements de l’extérieur, elle les entendait. Seulement ils étaient comme étouffés par des milliers et des milliers de litres d’eaux bouillonnantes. Boub… Boum. Ses yeux la brûlaient, noyés sous le mélange de son maquillage et de ses larmes. Progressivement, elle n’avait plus mal, elle n’avait plus froid. Peut-être même qu’elle n’avait plus honte qu’on la tripote, en fait, la jeune femme ne s’en rendait même plus compte. C’était comme si ça n’avait jamais eu d’importance. Est-ce que ça en avait eu un jour d’ailleurs, ou au contraire, toute sa vie n’avait-été qu’un rêve ? Etait-elle au contraire sur le point de se réveiller ? Boum. Boum. Non. Rien n’avait définitivement plus d’importance. Elle se sentait même étrangement bien. C’était d’ailleurs une drôle de sensation que d’aller bien alors qu’un sale type dégueulasse est actuellement en train de vous trifouiller le chemisier en quête d’un morceau de peau à dévorer. Et d’ailleurs, même si elle ouvrait tout à fait les yeux, elle était quasi certaine de ne même pas reconnaître la masse informe à califourchon sur elle. Si elle n’était pas en train de mourir, elle aurait sûrement rit. Bou… bom. Finalement, ça n’était pas si désagréable. Moins qu’elle ne l’aurait pensé en tous les cas. Certes c’est un peu difficile au début, les sensations physiques n’aident pas, l’instinct non plus, mais dès que ces paramètres sont supprimés tout n’est que… Qu’impression. L’impression de plonger dans un sommeil interminable. Et affreusement agréable.

Plus agréable que son retour à la réalité.
Ce fut brusque, pour lui comme pour elle. Mnémosyne n’avait même pas senti la ranger fendre les airs à quelques centimètres d’elle pour finir sa course dans le nez de son agresseur. Ce ne fut qu’à partir du moment où les grosses mains du violeur se décolèrent de son cou violacé que l’air se fraya un chemin jusqu’à ses poumons. Une inconsistance qui pourtant avait la chaleur de la lave en fusion, comme si une décharge électrique d’un millier de volts s’était répandue dans son thorax. Sa respiration était chaotique, irrégulière. Tantôt profonde et grave, tantôt ridicule et saccadée. Elle était complètement perdue, dans le flou total. Ses doigts manucurés touchaient de façon fébrile sa gorge, comme pour sentir ses cordes vocales fonctionner de nouveau. Comme si cela avait été la première respiration de sa vie. Malgré sa grande confusion, la psychiatre pouvait entendre de façon de plus en plus distincte des bruits de lutte entre deux personnes, visiblement deux hommes. Sa vision, bien que troublée et remplie de gros points blancs, se remettait doucement et elle put voir les deux silhouette. Quelqu’un l’avait entendue. Quelqu’un avait entendu son appel ! Elle aurait voulu éclater de rire tant elle était heureuse. Seulement ce n’était pas vraiment le moment, et elle n’en avait même pas la force.

Elle rampa comme elle put jusqu’au mur opposé, tentant de rassembler ses esprits et de voir comment cela se finirait. Les deux hommes se faisaient à présent face, et son sauveur avait visiblement l’avantage sur l’autre type, bien moins menaçant tout d’un coup. Mnémosyne se releva doucement agrippant son sac à main juste à côté d’elle. Que pouvait bien elle ressentir en ce moment même ? C’était comme si plus rien n’avait d’importance, comme si… Comme si elle avait attendu cet instant toute sa vie. Elle était envahie d’un calme étrange, et même si ses battements de cœur étaient toujours irréguliers, ils étaient devenus plus calmes. Plus profonds. Elle avait l’impression qu’être arrivé, ici, avait été la finalité de toute son existence. Etait-ce réellement le cas ? Ou n’était-ce que les brumes de son esprit la leurrant encore plus ? Elle était perdue. Aussi perdue que des années auparavant, au fin fond de cette forêt. Depuis combien de temps n’y avait-elle pas repensé ? C’était comme si, durant toutes ces années, tout ceci n’avait jamais existé. Elle avait relégué au fond de sa mémoire les détails sordides et pourtant… Pourtant quoi. Agréables ? Heureux ? Anormaux. Malgré tout, elle avait eu l’impression qu’en l’espace de quelques minutes sa vie d’avant était revenue. Qu’il était revenu. Et malgré ses cris de désespoir, son angoisse, il y avait quelque chose qui s’était allumé au fond de son cœur. Un peu comme des braises que l’on croyait éteinte, et sur lesquelles tombe un bidon d’essence. Elle en voulait à cet homme, non pas parce qu’il avait tenté de l’agresser, mais parce que ça n’avait pas été lui. Parce que ce mec dégueulasse avait osé lever la main sur elle, alors qu’elle ne lui appartenait pas. Parce qu’elle n’avait jamais appartenu à quelqu’un d’autre. Pourtant elle lui en voulait à lui aussi, et jamais plus elle n’avait pu être totalement elle-même et c’était de sa faute. Et de la sienne. Elle avait toujours sentie une immense culpabilité, un poids énorme sur ses épaules. Comment expliquer qu’elle avait ressentie du plaisir à quelque chose de monstrueux ? C’était parfaitement immoral. Malsain et dégueulasse.

Alors pourquoi avait-elle l’impression que la faute était partagée ?
Ses yeux se posèrent sur les deux hommes, ils ne bougent plus. La tension entre les deux était palpable, et pourtant elle s’en fichait. Elle devait absolument se décharger de cette culpabilité, de cette frustration. De cette colère. Car elle était aussi et surtout en colère qu’il l’ait abandonnée, c’était purement et simplement de sa faute à lui, et non à elle. Qu’est-ce que ça fait, d’être acculé maintenant ? Hein ? Quand tu ne sais plus quoi faire et que tu espères juste mourir ? S’aidant du mur, elle se releva doucement. Son chemisier était toujours ouvert, pourtant elle n’en avait cure. Ce n’est pas grave, les petites filles n’ont pas peur de se montrer, c’est de leur âge. Mnémosyne agrippa son sac, sa main disparue dedans. Elle s’approcha de quelques pas, elle pouvait presque toucher du doigt la charogne qui lui avait fait ça. Son souffle était rauque, comme usé. Le sac à main atterrit à ses pieds lestement, on n’avait même pas entendu le bruit de ses clés à l’intérieur. La gueule froide et béante du Beretta se braqua sur le type, qui en voyant l’arme, s’agita encore plus. Et c’est le regard complètement vidé que la jeune femme tira, déchirant l’air de la nuit d’une déflagration sonore.
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Thanatos M. Vassilievski
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MessageSujet: Re: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptyLun 9 Sep - 14:47

La déflagration qui résonne alors dans la rue déserte et silencieuse coupe court à la rage incontrôlable qui m'animait quelques secondes plus tôt. Je demeure interdit, tandis que le corps désormais sans vie du violeur glisse lentement le long du mur aux briques tâchées de sang, pour aller mollement finir sa course sur le sol, comme une marionnette à qui ont aurait coupé les fils. Elle a tiré. Je ne rêve pas. Elle l'a tué. J'entends l'Autre s'agiter dans ma tête, il pousse des feulement furieux, semblable à un fauve à qui on a fauché la proie. Je sens sa colère m'envahir peu à peu. Je voudrais lui hurler dessus, la secouer dans tous les sens. C'était à moi de le faire. À MOI. Mais ce n'est pas le pire. Tout le quartier a certainement entendu la détonation, et cette simple pensée m'arrache un éclair de lucidité, au milieu de toute cette haine qui n'est pas la mienne. Il y a mes empreintes sur ce cadavre... Partout. Si quelqu'un le retrouve, ils appelleront sûrement la police. Et c'est moi qu'ils accuseront. Pas Mnémosyne, juste moi. Et je ne veux même pas penser à ce que je risque. Un ancien militaire qui sort de psychiatrie, quel parfait suspect je fais. Je suis stupide. Complètement stupide.
Avec un soupir désespéré, je me prends la tête entre les mains. J'ai le visage et les bras couverts d'éclaboussures écarlates. Qui me croira si je dis que je ne l'ai pas tué ? Personne. J'ai envie de pleurer, mais je ne le fais pas. Je me retourne vers ma psychiatre et m'approche d'elle à grand pas. Je jette un coup d’œil au Beretta qu'elle tient toujours à la main, avant de la fusiller du regard. « Vous êtes complètement MALADE ! » Craché-je d'une voix sourde, où la stupeur et la rancœur explosaient à chaque syllabe. « Comment vous comptez expliquer ça à la police, hein ? » À bout de nerfs, je vais m'appuyer contre le mur. Je ne sais pas quoi faire. Honnêtement, je suis perdu. Au moins, dans l'armée, ce genre de problème ne se posait pas. Là-bas, on était payés pour tuer... Mais ici, c'est le pire des crimes. Et je tremble rien qu'à l'idée des quatre murs nus et des barreaux glacés de la cellule qui m'attend si nous ne trouvons pas rapidement une solution à ce cauchemar. Je fais les cents pas dans la rue mal éclairée, sursautant à chaque voiture qui passe, à chaque bruit qui résonne. Dix bonne minutes se sont déjà écoulées depuis que le type est mort, et toujours pas de policiers à l'horizon. Peut-être que finalement personne n'a rien entendu... Ou bien personne n'ose rien faire. Dans l'un ou l'autre des cas, ça me rassure un peu. Mais nous ne sommes pas sortis d'affaire pour autant. À défaut de pouvoir retirer la balle du cadavre, je ramasse la douille qui traîne encore par terre, puis je me tourne vers Mnémosyne. « Je ne vois qu'une solution... Se débarrasser de lui. Dis-je en désignant le violeur d'un signe de tête. Il y a la rivière, pas loin... En tout cas, il ne faut pas traîner ici, sinon on est cuits ! »
Je prends alors conscience d'une chose qui ne m'avait jusqu'alors pas effleuré l'esprit une seule seconde... Ma psychiatre n'est pas aussi innocente qu'elle en a l'air, derrière son expression sérieuse et ses robes à fleurs. Je pense au prochain rendez-vous que nous étions censés avoir, et un frisson me parcourt le dos. Je ne suis pas certain d'avoir envie de la revoir.
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MessageSujet: Re: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptyMer 11 Sep - 13:40

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L’acouphène était énorme.
C’était comme si une bombe lui avait explosée à la figure. Elle avait déjà tiré, mais avec casque, avec lunettes. Et surtout sur une cible en carton. Le temps n’avait plus sa consistance, elle n’était même plus sure si elle était là, bien là dans cette rue ou non. Sa respiration était régulière, contrôlée. Elle n’avait jamais été aussi sereine que lorsque les morceaux de cervelle s’étaient étalés sur les murs et la veste de son sauveteur. Celui-ci lâche son emprise sur le corps, inerte. Il glisse lentement à terre, laissant sa trace sanglante contre le mur et là où la balle a traversé la tête. L’arme toujours braquée devant elle, Mnémosyne se rendit compte qu’elle était tellement crispée qu’elle n’avait presque eu aucun recul lors de son tir. Tendue comme la corde d’un arc, le canon fumant s’abaissa cependant après quelques secondes. L’homme devant elle resta interdit, bien qu’il semblait en proie à une agitation profonde. Son regard croisa le sien. Que devait-il penser d’elle ? C’est souvent dit et répété à toutes les sauces, mais apparemment, les yeux sont la fenêtre de l’âme. Que devait-il voir dans ses prunelles, à ce moment précis ? La psychiatre n’était même pas sure de savoir ce qu’elle dégageait, là, maintenant. C’était comme si ses sens étaient profondément engourdis dans une espèce de transe complètement cosmique. Et ce fut le réveil. Brutal.

« Vous êtes complètement MALADE ! » Les yeux de Mnémosynes virent enfin, et comprirent. Jusqu’à présent même si ses sens lui renvoyaient l’image du jeune homme, son cerveau n’avait pas assimilé son identité. Qui il était. Et elle eut l’impression de sombrer dans un gouffre, dans le gouffre de sa propre horreur, de son acte. Ce point de non-retour. C’était comme se faire aspirer par le trou du lapin blanc, elle avait l’impression d’être Alice. Le Beretta en plus. On pouvait lire une rancœur et une animosité sans nom dans les yeux de son patient. Mais était-il encore son patient, d’ailleurs ? Des deux à ce moment-là elle aurait été la plus concernée par une bonne mise en quarantaine, et un bon suivi. Même si cela pouvait être étrange et malsain, elle se rendit compte de tout ce qu’elle pouvait perdre à cause de cet acte. Une idée lui traversa l’esprit, celui de supprimer le seul témoin. Mais elle recala cette possibilité dans sa poubelle psychique, il en était hors de question. « Comment vous comptez expliquer ça à la police, hein ? » Effondré, à bout, Thanatos s’appuya contre le mur, juste à côté de lui se trouvait la marque sanglante. Un frisson parcouru l’échine de Mnémosyne, ça ressemblait étrangement à un peloton d’exécution. La psychiatre ne cilla pas, regardant le jeune homme faire les cents pas à présents. Quoi qu’il se passait dans sa tête, rien ne voulait sortir. Elle était complètement bloquée, à bout de souffle. « Je ne vois qu'une solution... Se débarrasser de lui. Il y a la rivière, pas loin... En tout cas, il ne faut pas traîner ici, sinon on est cuits ! » Cette soudaine prise de conscience lui donna un coup de pied interne. Elle était éveillée, complètement. Alors qu’elle se sentait extrêmement loin de tout ce qu’il se passait autour d’elle, comme si tous les évènements n’étaient qu’une série qu’elle regardait de derrière un écran, ses sens s’éveillèrent. Sa conscience aussi. Ce même instinct de survie qu’elle avait connu des années, des dizaines d’années plus tôt. Son cerveau reptilien prenait le dessus, comme un appel refoulé et revenant à la charge. Tout ce qu’elle voyait, tout ce qu’elle touchait lui semblait plus présents, plus vrais. La crosse réchauffée par ses mains était plus dure, l’air s’infiltrant dans son chemisier ouvert semblait plus froid, plus mordant. Elle ne devait pas perdre une minute. Pas avant que les policiers ne la trouvent, pas avant que ce souffle intérieur ne disparaisse. « Ma voiture est garée à 300 mètres, d’ici deux minutes je suis de retour. Ne bouges pas, personne ne va venir ici à une heure pareille. » Elle fourra son arme dans sa jupe, dans son dos avant de retirer ses escarpins et les garder en main. Ses pieds nus contre le sol froid lui faisait du bien mais avant même de demander son reste à Thanatos elle se mit à courir. La psychiatre traversa la rue déserte rapidement avant d’atteindre sa Ford Mustang qui l’attendait sagement. Les courbes harmonieuses mais puissantes de l’engin la rassura et sa couleur, d’un blanc éclatant, déchirait l’obscurité comme un phare. Ses mains tremblaient lorsqu’elle mit les clés sur le contact mais le ronronnement du moteur la soulagea. Elle traversa de nouveau la centaine de mètres qui la séparait du jeune homme et de leur délicat paquet avant de se ranger pile devant la petite ruelle. Thanatos n’avait pas bougé, bien qu’il ait dû penser à s’enfuir. Le pauvre était surtout sous le choc.

Mnémosyne ouvrit le coffre et en extirpa une large bâche plastique qui lui avait servie quelques jours auparavant à emballer une plante qu’elle s’était achetée. Pourquoi elle ne l’avait pas jetée ? Elle se surprit à sourire intérieurement avant de se diriger vers le cadavre qu’elle enroula comme un pur tacos mexicain sauce barbecue, et sans la salade qui dépasse. Sans échanger un mot ils prirent chacun un bout du type inerte et le balancèrent dans le coffre. Ils grimpèrent dans l’habitacle de cuir sombre contrastant étrangement avec la couleur immaculée de la carrosserie. Si Thanatos avait une idée, ou s’il n’était pas d’accord, elle s’en contrefichait. Si à leur dernière rencontre elle lui avait demandé de lui faire confiance cette fois ci c’était bien différent, il n’avait pas le choix. Elle ne lui laissait pas le choix. Le moteur rugit avant même qu’elle n’appuie sur l’embrayage et que le bolide se lance dans les rues désertes, et bien que personne ne semblait être présent à cette heure de la nuit, elle roula de façon normale. Ils avancèrent ainsi jusqu’aux limites de la ville sans embuches et lorsqu’elle jugea qu’ils étaient définitivement tranquilles elle appuya sur le champignon sans ménagement, faisant hurler les pneus. Les lumières de l’autoroute quasiment déserte faisaient apparaître et disparaître de façon discontinue le visage de son infortuné compagnon dont l’expression lui échappait complètement. Ils roulèrent ainsi sur plusieurs kilomètres avant d’arriver près de la Fitzroy river qui de nuit ressemblait plus à une étendue d’encre noire qu’à de l’eau. Le bruit de frein à main mis fin à celui du moteur. Quelques secondes s’écoulèrent, et mis à part les bruits d’oiseaux et quelques insectes rien ne troublait le silence nocturne. Mnémosyne lança un regard à Thanatos, tout juste éclairé par la lumière des phares. « Je vais faire ça seule. »

Sans chaussures, elle sentait la boue engluer la plante de ses pieds sur au moins deux centimètres. Hisser le cadavre n’avait pas été compliqué étant donné le paquet cadeau dans lequel il était emballé. Avec une dose d’humour noir en plus, elle aurait presque pu faire de la luge dessus. Quelques secondes plus tard, elle envoya le cadavre dans le fleuve qui flotta en surface. Quelques clapotis se firent entendre aux alentours, avant qu’un crocodile ne s’empare de sa proie facile et, dans une valse gracile, l’emporta lestement dans les profondeurs. Thanatos s’approcha, elle pouvait sentir sa présence dans son dos. Il ne dit rien. C’était un drôle d’enterrement, une disparition que peu remarqueraient. La jeune femme n’avait pas connu cet homme, si ce n’est la bestialité avec laquelle il l’avait empoignée une quarantaine de minutes plus tôt. Malgré tout, elle avait l’impression de l’avoir enterré Lui. Elle serra les dents pour éviter que la tristesse ne la submerge complètement, au moins autant que les flots n’avaient emporté son agresseur. Ce n’était pas une réaction normale, adaptée, pourtant elle ne pouvait pas s’en empêcher. Le bouleversement était trop grand. Cependant, elle était soulagé, profondément. C’était comme une libération qu’elle avait attendu durant cette vingtaine d’années. A attendre quelque chose. Quelque chose comme ce qu’il venait de se passer. Elle ne savait pas si elle s’adressait à sa victime collatérale, Lui, ou bien Thanatos. « J’aimerais te dire à quel point je suis désolée, seulement je ne le suis pas. »
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Thanatos M. Vassilievski
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MessageSujet: Re: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptyJeu 12 Sep - 18:20

Mnémosyne n'avait pas bougé jusque-là, elle semblait comme figée. Par la peur, par le choc, je n'en sais trop rien. Quelques minutes plus tard, elle finit par se tourner vers moi. Elle a l'air de prendre enfin conscience de qui je suis, de ce qui se passe autour d'elle, et de la gravité de la situation. « Ma voiture est garée à 300 mètres, d’ici deux minutes je suis de retour. Ne bouges pas, personne ne va venir ici à une heure pareille. » Me lance-t-elle en rangeant son Beretta aussi promptement qu'elle l'avait sorti. Elle retire ses escarpin avec minutie, avant de se mettre à courir pieds nus sur le trottoir. Comme elle me l'a demandé, je ne bouge pas, bien que mon instinct me hurle de me tirer de cet endroit au plus vite. Je lui fais confiance, je n'ai pas vraiment le choix, car je suis au moins autant dans la mouise qu'elle, si ce n'est plus. Je la regarde de loin traverser la rue déserte et s'arrêter devant une magnifique Ford Mustang blanche. J'ouvre des yeux ronds. Elle a quasiment la même voiture que moi... À la seule différence que la mienne est noire, et couverte de poussière. Que de coïncidences. Mais je n'ai ni le temps ni l'envie de m'attarder sur ce genre de détails maintenant. J'entends le moteur rugir à quelques mètres de moi, et la Mustang me rejoint en deux temps trois mouvement. Je demeure toujours immobile, observant ma psychiatre sortir du coffre quelque chose qui ressemble à une grande bâche en plastique. Je hausse un sourcil, quelque peu perplexe. Qu'est-ce qu'elle fabrique avec ça dans son coffre... Réflexion faite, je crois que je ne préfère même pas imaginer. Je la regarde enrouler le cadavre dedans comme un paquet cadeau, puis je viens attraper ses pieds, pour l'aider à le hisser dans le coffre, en faisant attention de ne faire aucune tache de sang sur la carrosserie immaculée. Je m’assois ensuite sur le siège passager, toujours sans un mot. Après tout, il n'y a rien à dire. Cette situation est complètement invraisemblable. Moi qui m'était juré d'éviter la mort comme la peste, après ce que j'ai vécu en Ossétie du Sud, voilà que c'est elle qui me rattrape, comme une fatalité. Comme si l'Autre essayait de me faire comprendre que quoiqu'il arrive, je ne peux pas lui échapper. Avec le nom que je porte, ça n'a rien d'étonnant... Je ferme les yeux brusquement, pour couper court aux pensées qui se bousculent dans ma tête. De toute façon je n'ai pas besoin de regarder la route, je sais très bien où on va.
Le moteur se met de nouveau à rugir, tandis que la voiture démarre. Nous roulons calmement pendant une dizaine de minutes, malgré que les rues soient désertes à cette heure-ci, juste le temps d'arriver à la sortie de la ville. À partir de là, Mnémosyne accélère brutalement, faisant crisser les pneus sur le bitume, et me faisant sursauter au passage. L'autoroute est quasiment déserte, elle aussi, heureusement pour nous. Je pose mon front contre la vitre froide et me perds dans la contemplation du ciel étoilé et des arbres qui bordent la chaussée. Il n'y a que quelques kilomètres qui nous séparent de la rivière Fitzroy, et à la vitesse à laquelle nous roulons, nous y sommes en quelques minutes à peine. Nous nous arrêtons alors. J'observe les alentours plongées dans la pénombre. Pas un bruit. Juste le bruissement des insectes dans les taillis, et les rares appels mélancoliques de quelque sinistre oiseau nocturne. La psychiatre me lance un regard indéchiffrable. « Je vais faire ça seule. » Je n'ai même pas le temps de répliquer, la voilà qui s'enfonce déjà dans les buissons, vers la rivière, tirant derrière elle le corps sans vie enroulé dans sa bâche en plastique. Je n'ose pas lui proposer mon aide malgré tout, elle a l'air d'y tenir... Je me contente de la suivre à bonne distance. Quelques minutes plus tard, un léger bruit d'éclaboussures m'indique qu'elle s'est enfin débarrassé de notre encombrant visiteur, mais je ne la vois pas revenir. Alors je décide de m'approcher, sans un bruit. J'ai du mal à distinguer son visage dans la nuit, à peine éclairé par les rayons blafards de la lune qui percent à travers le feuillage. Elle fixe avec une expression crispée les flots noirs qui viennent d'engloutir son agresseur, comme bouleversée. Mais pourquoi ? Elle devrait haïr cet homme qui a tenté de lui faire du mal, et peut-être même se réjouir de sa mort. Et pourtant... Son regard semble dire le contraire. Je ne comprends pas, ni sa réaction, ni cet étrange rituel auquel je suis en train d'assister. Et je me garde bien de lui poser la moindre question. « J’aimerais te dire à quel point je suis désolée, seulement je ne le suis pas. » Murmure-t-elle soudain. Je ne sais que répondre, je ne suis même pas certain que ce soit à moi qu'elle parle... Alors je ne dis rien. Je me contente de pousser un long soupir et de venir poser une main sur son épaule, dans un geste qui se veut amical et rassurant. Il est temps de partir, avant que quelqu'un ne nous trouve et que cela n'éveille les soupçons. « Il faut y aller, maintenant... »
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MessageSujet: Re: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptyLun 16 Sep - 16:55

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« Lentement, les ailes déployées, lentement, je le vis tournoyer. Près de moi, dans un bruissement d'ailes, comme tombé du ciel. L'oiseau vint se poser.
Il avait les yeux couleur rubis, et des plumes couleur de la nuit. À son front, brillant de mille feux, l'oiseau roi couronné. Portait un diamant bleu. »


C’était étrange. Bizarrement bizarre. Ce prompt et sommaire enterrement lui laissait une étrange sensation dans l’estomac. Languissante. Elle fixa quelques instants ses pieds englués dans la boue de la même façon qu’elle aurait pu regarder une bête curieuse. Ses orteils gigotèrent quelques instants au milieu de cette terre humide et retournée par les averses et les flots. Quelques brins d’herbes s’étaient logés dans les interstices de ses plis, de sa peau. Le sol était mou et froid et ses relents de sous-bois parvenait jusqu’à son nez. Les bruits du crocodile s’étaient tus, la grande valse s’était terminée. Il n’y avait plus que les quelques soubresauts du vent dans les arbres et les oiseaux nocturnes, hurlant quelque part dans l’obscurité. Depuis combien de temps n’était-elle pas venue au grand air ? Mnémosyne s’était enfermée dans des bureaux et son atelier depuis tant de temps que cela lui avait fait oublier la beauté des arbres la nuit. Elle inspira plus longtemps l’air brumeux, comme une odeur qu’elle n’avait jamais vraiment oublié mais jamais réellement retenu. La main de Thanatos se posa sur son épaule et ses yeux s’ouvrirent comme deux billes qui paraissaient noires au vu de la luminosité réduite. « Il faut y aller, maintenant... » La psychiatre acquiesça, silencieuse. Cela revenait à boucler la boucle en quelque sorte et elle ne pouvait pas rester indéfiniment ici. Tournant les talons à la rivière, les deux jeunes gens s’installèrent dans l’habitacle. Il y eut un court moment de flottement, un peu comme de ceux qui existent après une blague pas drôle. Parce que ce n’était pas drôle non ? Pourtant elle n’arrivait pas à faire disparaître complètement son envie de rire à gorge déployée, cela devait être nerveux. Stress post-traumatique. Le moteur ronronna et ils prirent le chemin retour, comme s’ils venaient de rentrer d’un pique-nique. Mnémosyne ne réfléchis pas vraiment à où aller, elle ne pouvait pas lui dire de rentrer chez lui comme ça. Chez elle aurait été trop personnel, et elle s’était promis de ne jamais emmener quiconque là-bas. Son instinct la poussa jusqu’à son atelier, un endroit plus neutre. Ça ne dépassait pas son cordon de vie privée. Mais existait-il toujours ? Pouvait-elle toujours être son psychiatre ? Ça aussi, ça lui paraissait difficile. S’il ne la vendait pas elle n’aurait plus aucune crédibilité, au contraire. Elle devait lui faire peur. Certes Thanatos avait de grosses pompes et de gros muscles, mais il était psychologiquement instable et fragile, dans un sens. Les phares de la ville projetaient leurs halos de façon discontinue sur le visage du jeune homme. Son expression lui était inaccessible ou furtivement elle lui apparaissait. Indéchiffrable. Il devait être aussi perdu qu’elle, voire plus. C’est vrai que ses réactions vues de l’extérieur pouvaient paraîtres invraisemblables.

La Ford Mustang s’arrêta devant un immeuble de Victoria Parade, au 158-159. S’ils avaient croisés du monde sur la route ? Pas vraiment. Il devait être presque 3h du matin à présent et tous dormaient. Paisiblement. Le moteur se stoppa et elle sorti de la voiture, l’invitant par la même occasion à monter. Ils traversèrent rapidement le petit hall d’entrée et c’est toujours pied nus que Mnémosyne monta les marches jusqu’à son appartement, le D02. Insérant la clé dans la serrure, lorsqu’elle ouvrit la porte parvint à ses narines l’odeur à la fois suave et ancienne de la peinture à l’huile. Le loft était aménagé de telle façon à favoriser la luminosité, aussi, les grandes baies vitrées étaient dénuées de rideaux et le mobilier était plutôt sommaire. Une table basse avec trois fauteuils dans un coin, juste devant la cuisine américaine relativement riche. Dans les quelques mètres carrés du salon qui restaient se dressait un immense chevalet sur lequel était posée une toile inachevée. Autour de la table de chevet faisant office de palette et sur laquelle était à la fois posé pinceaux, peinture et couteaux une dizaine d’autres toiles étaient disposées. La plupart des scènes étaient des paysages et plus spécifiquement des forêts, une forêt unique mais aux décompositions multiples entourée de montagnes. Au milieu de la plupart des tableaux on pouvait deviner une cabane mais dont la netteté était variable selon les toiles, parfois presque invisible au milieu des arbres. Mais c’était sans compter un nombre impressionnants de papiers cansons dont les sujets étaient multiples. Au milieu des études d’anatomie et d’animaux divers il y avait aussi certains portraits, des hommes et des femmes rencontrés dans la rue, mais aussi ses patients dont les détails étaient remarquables. Sur quelques toiles verticales il y avait aussi des représentations dans le pur style Art Nouveau, de grandes dames aux longs cheveux et aux expressions lointaines. L’une d’elle était vraisemblablement un autoportrait, il s’agissait d’une femme aux boucles cuivrés et drapée d’une robe ample et d’un blanc cassé tirant vers le crème/or. Elle fixait de ses grands yeux stylisés et en amande celui dont les prunelles se posaient sur la toile, c’était un drôle de regard. Un serpent dont l’âme aurait été arraché. « Je reviens, installes toi. » Sale. Elle se sentait sale, en dehors de la boue séchée à ses pieds, en dehors de l’odeur de transpiration collant ses vêtements. Mnémosyne avait un besoin impérieux d’une douche et d’affaires propres, et ça c’était non négociable. L’eau chaude lui fit du bien, cependant elle ne pouvait pas s’éterniser et après un shampooing sommaire elle se contempla dans la glace qui lui faisait face. Sa pommette droite était foutrement bleuit, de son arcade sourcilière jusqu’au bas de sa mâchoire et son cou quant à lui avait viré au violet sombre. Quelques écorchures çà et là achevaient le portrait de sa triste mine, de l’extérieur. Elle pouvait sentir ses cotes la lancer, rien n’était cassé mais elle avait souffert au niveau de l’abdomen mais aussi du dos. Enfilant un chemisier blanc et un pantalon sombre, propres, elle ne pris pas le temps de se maquiller. Malgré son envie de reconquérir sa féminité bafouée, sa propre condition de femme la dégoutait pour le moment. Revenant au salon, elle se stoppa au milieu de celui-ci et dévisagea son infortuné invité. Il s’était installé, comme demandé. Thanatos s’était assis, de la même façon que ces où il venait jusqu’à son cabinet. C’était exactement cela, déformation professionnelle ? Mnémosyne était presque redevenue « normale », si on pouvait la qualifier ainsi à présent. « Je te sers quelque chose ? » Il acquiesça, demandant simplement un thé. Elle se serait bien servie quelque chose de plus fort mais s’aurait été déplacé en de pareilles circonstances. Ce serait donc du thé. Le bruit du chauffe-eau fut l’une des seules choses qui venait troubler le silence qui s’était installé, elle versa deux tasses avant de s’assoir en face de son patient qui paraissait moins anxieux, chose encourageante compte tenu de la situation. La psychiatre pris une tasse qu’elle porta à ses lèvres, un parfum de rose l’embauma avant qu’elle n’avale une timide gorgée, brûlante. « Tu n'es pas venu la semaine dernière. »
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MessageSujet: Re: Kiss the bricks - Thanatos.   Kiss the bricks - Thanatos. EmptyMar 17 Sep - 17:35

Le trajet de retour se fait dans le silence le plus complet, sans doute parce que ni elle ni moi ne savons quoi dire. Peut-être qu'il n'y a tout simplement rien à dire sur tout ça. Et de toute façon, je crois que je n'ai pas spécialement envie de continuer à ressasser les événements de cette nuit. Je n'ai qu'une hâte : reléguer tout cela dans un coin obscur de ma mémoire, à défaut de pouvoir l'oublier, et ne plus y penser. Près d'une quinzaine de minutes plus tard, nous arrivons enfin à Victoria Parade, et j'ai comme l'impression qu'elle ne va pas me laisser repartir aussi facilement. La Ford Mustang blanche s'arrête devant un immeuble non loin du mien, que je reconnais comme étant celui où réside l'un de mes amis. Est-ce que Mnémosyne habite ici, elle aussi ? Malgré le nombre de fois où je suis venu ici, je n'aurais jamais deviné. Elle arrête le moteur rugissant, sort de l'habitacle et, d'un signe de la main, m'invite à la suivre. Je n'ose pas refuser l'invitation. De toute façon, qu'est-ce que je ferais si je rentrais chez moi ? Il est presque trois heures du matin, je suis couvert de sang séché et je suis bien trop énervé pour réussir à fermer l’œil ne serait-ce qu'une minute. Alors je la suis à travers le hall désert à cette heure-ci, et je monte sans bruit les escaliers derrière elle, jusqu'à son appartement. La première chose qui me frappe lorsque j'entre, c'est le parfum âcre et familier de la peinture à l'huile, mélangé à celui – bien que plus infime – du papier et des toiles neuves. La seconde chose qui m'interpelle est le manque flagrant de mobilier. Une table par-ci, une chaise par-là, perdus dans un océan de tableaux et de croquis, et pas de rideaux aux fenêtre. Maintenant je n'ai plus le moindre doute, cette appartement n'est pas l'endroit où elle vit, ce n'est que son atelier. « Je reviens, installes toi. » Me lance-t-elle, l'air absorbé, avant de disparaître dans une autre pièce. Je comprends, au son du chauffe-eau qui s'allume et de l'eau que j'entends couler, qu'elle est partie prendre une douche. Elle a raison, j'en aurais bien fait autant, d'ailleurs... En attendant son retour, je vais m'asseoir sur le vieux canapé élimé qui trône dans un coin, et je promène mon regard sur les objets qui m'entourent. Sur le grand chevalet qui trône au milieu du salon – si l'on peut appeler ça comme ça, sur les diverses toiles qui s'entassent un peu partout sur le sol et colonisent les murs. Je me permets d'ouvrir un carnet de croquis, abandonné sur la table basse devant moi, et le feuillette avec émerveillement. Elle dessine vraiment bien... Il y a de tout, mais majoritairement des portraits. Des inconnus pour la plupart, mais j'arrive également à reconnaître des médecins ou des patients que j'ai croisés à la clinique. Je me mets soudain à rougir comme une pivoine lorsque je tombe sur un, deux, trois croquis de moi, et referme d'un coup le carnet que je repose à sa place, comme si de rien n'était. Je continue à inspecter la pièce d'un regard curieux. Il y flotte un parfum de solitude et de nostalgie qui me rappelle bien des souvenirs...
Mnémosyne réapparaît enfin, vêtue de vêtements propres. On pourrait presque croire qu'il ne lui est rien arrivé, si elle n'avait pas encore cet énorme hématome sur la joue droite, et ces marques violacées sur le cou. « Je te sers quelque chose ? » Me demande-t-elle en se dirigeant vers sa minuscule cuisine. « Juste un thé. » Cela me semble être la boisson la plus appropriée, étant donné les circonstances. Je n'aime pas beaucoup l'alcool et j'ai besoin de quelque chose qui m'apaise, ça ne peut pas faire de mal. Mnémosyne a l'air résignée, mais elle ne dit rien. Elle se contente de mettre de l'eau à chauffer et de venir s'asseoir en face de moi. Elle me dévisage silencieusement, tandis qu'elle verse le liquide bouillant dans les tasses. Je la remercie d'un signe de tête, avant de prendre la mienne et de la porter à mes lèvres. « Tu n'es pas venu la semaine dernière. » Je lève des yeux étonnés vers elle. Elle vient de tuer un homme sous mes yeux en lui faisant exploser la cervelle, puis est allée jeter son cadavre dans la rivière, et tout ce qu'elle trouve à me dire, ce sont des reproches pour avoir raté une séance de psy. J'aurais presque ri, si je n'avais pas été aussi poli et réservé. « Je... Je n'étais pas en état. » Dis-je en tripotant nerveusement ma tasse. « ... Il est très joli, votre atelier... Ça me rappelle quand j'étais petit. » Pitoyable tentative pour changer de sujet, mais on ne sait jamais, des fois que ça marche.
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