Sujet: normality's boring | astaroth Mer 21 Aoû - 21:43
normality's boring
« - Tues-le. T'as vu depuis combien de temps il te provoque ? Dés qu'il te voit c'est pour t'en foutre plein les dents en te faisant remarquer que tu ne t'améliores pas et que bientôt, tu risques d'être cloîtré dans ta chambre sans avoir la possibilité d'en sortir ne serais-ce que de temps en temps. C'est ça que tu veux, vivre une existence de prisonnier ? » Je fermais les yeux, tentant de ne pas prêter attention à la voix présente dans ma tête qui ne cessait de vouloir m'assaillir de 'conseils' qui, je le savais, risquaient pourtant de m'attirer encore plus d'ennuis que ceux que je possédais déjà. Pas vraiment la chose à faire, donc. Il fallait que je me convainque que ce psychiatre tentait simplement de m'aider du mieux qu'il le pouvait, pas de m'enfoncer encore plus comme mon autre-moi, mon 'moi intérieur' tentait de me convaincre contre mon gré. « - Hm, monsieur Maxwell ? » Rouvrant grand les yeux, je peinais à revenir sur Terre et plongeait mon regard dans celui du médecin, haussant les sourcils sans pour autant prendre la parole. « - Je pense que vous avez largement rempli votre part de travail sur vous-même aujourd'hui. Vous pouvez regagner votre chambre, ou vous rendre à l'extérieur. » Je ne pris même pas la peine de répondre, attrapant ma veste préalablement posée sur le dossier de la chaise et quittant son bureau tout en reclapant la porte plus ou moins violemment. J'avais un mal de tête atroce, avec cette petite demi-heure où il m'avait convoqué pour 'faire le point' sur ce qui s'était passé dans ma vie dernièrement. Tout ce dont je rêvais, c'était d'aller souffler dehors l'espace de quelques minces heures avant de retourner m'enfermer en solitaire broyer mes idées noires, en paix. Même si je ne connaissais pas vraiment la solitude, étant toujours 'accompagné' d'une certaine façon, quoi que puisse penser les gens de cette compagnie parfois qualifiée de malsaine.
M'apprêtant à regagner ma chambre sans état d'âme et à m'étaler sur mon lit comme j'avais la ferme intention de le faire depuis ce matin, je me stoppais et eut le temps d'avoir une brève conversation avec un autre patient, qui était devenu mon meilleur ami depuis que j'étais arrivé dans ce lieu. Un des rares que j'arrivais à tolérer plus de cinq minutes sans avoir une soudaine envie de lui arracher la gorge dés qu'il me lance un regard de travers, d'ailleurs, malgré que notre amitié avait débuté d'une drôle de façon. Je m'en rappelais comme si c'était hier. Il y avait, une fois de plus, eu un souci avec un autre détenu, qui avait soudainement tenté de s'échapper en escaladant un des murets du patio. Drôle d'idée, mais passons ce léger détail. Tout le monde s'était rendu sur le lieu même où ça se déroulait, afin de voir ce qu'il se passait comme animation ce jour-là. Tout le monde sauf lui et moi, où nous avions fini par nous adresser la parole et à rire ensembles de la médiocrité des gens qui semblaient avoir tant besoin de celles des autres pour pouvoir mettre un peu de piment à leur vie. Sur ces pensées, un sourire s'afficha sur mes lèvres et je regagnais ma chambre pour de bon, mon regard s'obscurcissant instantanément en voyant qu'elle était déjà occupée. Euh.. OCCUPEE ? « - T'es qui toi ? Et qu'est-ce que tu viens foutre dans MA chambre ? » grondais-je, restant à une distance raisonnable de la jeune femme en cas où elle représenterait une menace potentielle. Règle numéro un ? Toujours se méfier d'autrui. Toujours.
Vivre en captivité est tellement dure. Je ne me serai jamais doutée qu’il y avait autant de choses obligatoires à faire dans un asile. Moi qui pensais que les gens restaient à trainer à longueur de temps, je suis tomber de haut. Le temps, j’ai l’impression de ne jamais en avoir assez … pour moi j’entends. Les quelques minutes de tranquillité que je pouvais grignoter à droite et à gauche, je les prenais pour dessiner. C’était ce qui m’aidait le plus à me vider l’esprit, m’évader d’ici. Je ne pensais à plus rien d’autre et encore moins du négatif, sauf quand il m’était impossible de remettre la main sur mon taille-crayons. D’un bond, je m’étais levée de ma chaise et m’étais mise à chercher à travers toute ma chambre, jusque sous mon lit. Rien à faire, quelqu’un me l’avait sûrement pris. Il me suffisait de savoir qui.
D’un pas discret, je passais la tête au dehors de ma chambre, observant les autres patients. Tel un détective, je les analysais, tentant de les visualiser en train de dessiner, jusqu’à ce qu’un visage m’apparaisse d’un seul coup. J’avais déjà surpris mon voisin de chambre, crayon à la main et la petite voix sommeillante en moi, me poussait à reprendre ce qu’il m’appartient. Sortant entièrement de la pièce, je relevais la tête, me donnant tout le courage du monde pour affronter ce mec horriblement flippant. La main sur la poignée de sa porte, je dus soupirer avant de l’abaissait, entrant à l’intérieure. En voyant qu’il n’y était pas, le soulagement fut tel qu’un sourire naquit sur mes lèvres. Mais ne devant aucunement me faire prendre la main dans le sac, je me dirigeais au plus vite près du petit bureau, commençant à fouiller partout. Où avait-il bien pu le mettre ? C’est dans une petite boite en bordel que je remettais la main sur mon taille-crayon. C’était bien le mien, je le reconnaitrais entre mille. Sourcils froncés, je déposais mon regard sur ses propres dessins. C’est qu’il a un talent monstre ce bonhomme !
Je venais de sursauter comme jamais, en entendant une voix derrière moi. C’était lui, je le savais. Je reconnaissais son accent et je me retournais, gardant un visage qui se serait voulu neutre. Bien silencieuse, mon regard restait fixé dans le sien, étant resté à bonne distance. Mais ensuite, en resserrant ma main, je me rappelais MON taille-crayons. L’attrapant entre deux doigts pour bien le lui montrer, je desserrais enfin les dents.
« Tu sais ce que c’est ça ? MON taille-crayons ! »
Je m’étais mise à l’agiter pour qu’il le voit bien, mais avec ma maladresse légendaire, le petit objet m’échappa pour aller finir sa course dans le front de mon interlocuteur que je regardais avec des yeux tout ronds. Il ne m’était pas venu à l’esprit de lui envoyer le taille-crayons en plein visage. Mais reprenant le pas sur ma maladresse, j’optais pour faire comme si c’était voulu et me mis à froncer les sourcils.
« Ce qui veut dire que tu es rentré dans MA chambre ! Ne t’avise plus d’y aller sans mon autorisation. »
La colère parlait à ma place et la voix au fond de moi, s’empressait de la ramener. Elle me disait des horribles choses sur cet homme. Elle voulait que je lui fasse mal, alors qu’il ne m’avait pas fait grand chose finalement. Je venais de me prendre la tête entre mes mains, me retournant presque d’un coup.
« TOI ! BOUCLE-LA ! »
Comme après chacune de mes crises, je me rendais compte à quel point j’étais atteinte et me laissais tomber à genoux dans la chambre de mon voisin, mettant mes mains devant mon visage en sanglotant.
Le regard furibond, je suivais des yeux la blondinette présente dans ma chambre. Qu'est-ce qu'elle venait faire là-bas ? Elle semblait suffisamment lucide que pour se rendre compte qu'elle était dans la mauvaise chambre pourtant, c'est pas non plus comme si elle s'était gourée et qu'elle avait tout bonnement confondu la mienne et la sienne, quoi qu'elles étaient assez similaires. Sur le moment, je ne comprenais pas vraiment qu'elle était venue rechercher ce que je lui avais 'emprunté à long terme' depuis hier soir. Puis de toute façon, elle devait bien en avoir plusieurs, ne pas être aussi débile que moi en n'en possédant qu'un seul, n'est-ce-pas ? Pourtant, je ne faisais pas le rapprochement le moins du monde et je me contentais de froncer les sourcils et de croiser les bras en la toisant du regard après l'avoir découverte dans ma chambre. De quel droit cette petite fouineuse se permettait-elle de s'initier dans MES affaires ? C'est pas non plus comme si je lui avais donné une autorisation écrite ou qu'il était écrit 'openbar' sur la porte, après tout. Et j'avais toujours eu une sainte horreur que les gens s'incrustent dans MON intérieur.
« - C'est donc juste pour ça que tu te permets de venir dans ma chambre ? » Haussant les sourcils, je me rapprochais considérablement d'elle, à tel point que je pouvais facilement lui susurrer quelques mots à l'oreille. Des mots qui faisaient toujours leur effet auprès des gens. « - Tu sais, c'est pas très prudent de venir traîner dans la chambre d'une personne ayant déjà tué des gens.. »
M'écartant d'elle sur ces quelques mots, je ne m'attendais pas vraiment à me ramasser son fameux taille-crayons en pleine poire. Mon regard s'obscurcissant instantanément, je contractais les poings tout en serrant les dents, un air furieux sur le visage. Malgré que j'étudiais attentivement l'expression présente sur son visage, je n'arrivais pas vraiment à décrypter celui-ci suffisamment que pour savoir si son geste était voulu ou pas. Etait-elle suicidaire au point d'oser de le faire ou étais-ce une simple maladresse qu'elle avait plus ou moins rectifiée à temps pour ne pas passer pour la reine des maladroites ? Et puis peu importe, les faits sont là.
« - T'es bien rentrée dans la mienne sans autorisation aussi, j'te signalerai. Et pourtant, t'étais pas certaine que j'aie ton taille-crayons. Je crois que question envahissement de l'espace privé, on est à égalité, darling. »
Je décidais de la contourner pour rejoindre la commode présente à côté de mon lit, prêtant à peine attention à sa présence. Heureusement pour elle, j'étais dans une journée plutôt calme et je ne comptais pas lui sauter à la gorge et/ou commencer à l'agresser. Du moins pas tout de suite. Alors que je commençais à regarder évasivement mes derniers dessins en date, je sursautais plutôt violemment en l'entendant hurler tout à coup. Hurlement qui fut rapidement suivi par des sanglots. Et merde, j'avais toujours été un gros naze pour réconforter les gens, malades ou pas, filles ou garçons. C'était juste visiblement pas dans les gênes, même si j'avais trop peu de souvenirs de mes parents que pour savoir si eux étaient doués dans ce domaine ou pas. De toute façon ma famille entière se moquait bien de mon sort depuis que j'avais été enfermé dans cet endroit de malheur, j'aurai même pu mourir qu'ils auraient presque accueilli la nouvelle sans doute avec un sourire. Sans doute même, après tout ils n'auraient plus la honte de la famille à supporter.
« - Euhm.. ça va aller, tu sais. Je sais ce que ça fait que de se sentir comme un cas désespéré, comme si on était le pire taré présent ici. »
Un peu maladroitement, je tapotais son épaule tout en me mordillant la lèvre inférieure, me demandant intérieurement pourquoi étais-je si gentil avec elle alors qu'elle s'était tout de même permise de s'introduire dans mon 'territoire' et de me balancer un objet dans la tronche. Sans doute étais-je dans un bon jour, qui sait.
En se rapprochant de moi, il m’avait susurré quelques mots à l’oreille. Si l’effet recherché était de me filer un frisson, c’était gagné. Je bénissais intérieurement mes parents, d’avoir fait de moi une fille et non un garçon. Au moins, il ne risquait pas de se rendre compte de ce qu’il se passait un peu plus bas. Et merde. Ce n’était pas possible, je ne pouvais pas ressentir ses petits picotements dans le ventre pour lui. Il est méchant, il fait peur et en plus, il venait de me dire qu’il avait déjà tué des personnes. Quelle idée il avait eu de se rapprocher autant de moi, si bien que je m’enivrais de son odeur. Sans pour autant me décourager, je le fixais d’un regard noir en lui balançant :
« Tu crois que tu me fais peur ? »
Même si je pensais plus « pitié, écartes-toi, t’es flippant, je vais finir par mouiller mon pantalon. » Mais jouer la comédie, ça je savais faire. Pourtant, il m’avait assez déstabilisé pour que mon taille-crayons lui saute au visage. Dans un autre contexte, avec une autre personne, la situation m’aurait sûrement faite rire, mais ce n’était pas le cas. A en voir la tête qu’il tirait, on aurait dit qu’il allait m’étriper sur le champ, surtout après la révélation qu’il m’avait fait, je ne pouvais que penser au pire. Et une fois encore, je ne me dégonflais pas, tout du moins j’en donnais l’air. Je m’étais mise à l’engueuler pour être rentré dans ma chambre, mais il avait réponse à tout bien sûr. Restante à le regarder, ma bouche était restée entrouverte, ne laissant qu’échapper un soupire offusqué.
« J’étais certaine que c’était toi. » Je me défendais comme je pouvais, quitte à mentir. « Je t’avais déjà vu dessiner et … et ne vas pas croire que tu m’intéresse, je dis juste que je t’ai accidentellement vue. Je ne t’espionne pas. »
Je me sentais tellement stupide et embrouillée dans mes propres bobards que je ne disais plus rien, laissant la petite voix me dicter ce que je devait faire. Ou plutôt tenter de me dicter de lui faire du mal. Ce que je ne voulais pas. C’était la première fois que je luttais à ce point. Pourquoi ? Je n’en savais rien. Peut-être parce qu’il venait de me contourner, et qu’il avait un joli derrière. Il serait donc dommage de tenter quelque chose contre lui. Après m’être débattue avec ma propre conscience, je me retrouvais par terre, en larme, ne sachant même plus vraiment pourquoi j’étais venue dans sa chambre. Je me contentais de pleurer, l’ayant même - l’espace d’un moment - oublié. Ce n’est que lorsqu’il déposa sa main sur mon épaule, que je me souvins être entrée dans sa chambre pour lui gueuler de ne plus venir dans la mienne. Quelle bêtise quand on y pense. Mais j’étais tellement retournée par tout ça, certaine que je ne sortirai jamais de cet endroit, que je n’arrivais pas à me calmer. A la place de sécher mes larmes, je m’étais mise contre lui. Oui, bon je l’accorde, sur le coup, moi à genoux ma tête contre lui et lui debout, si quelqu’un était rentré à ce moment là, la situation aurait pu évoquer quelque chose de tout de suite moins catholique. Mais je ne pensais pas à ça du tout sur l’instant.
« P-pourquoi tu essaye de m’aider ? Je suis rentrée dans ta chambre et je t’ai laissé un taille-crayons en pleine tête. »
Les sanglots étaient toujours présents, mais je commençais peu à peu par me calmer, sans pour autant bouger d’où je me trouvais. Gardant même ma tête contre lui.
La scrutant droit dans les yeux, je me demandais pourquoi elle avait atterri ici. Hormis une maladresse qui semblait légendaire à en juger par la bourde qu'elle avait commise il y a quelques secondes seulement, elle ne semblait pas tellement folle. Si on considère que venir dans la chambre d'un psychopathe redouté par mal de patients n'était pas une folie à part entière, bien entendu. Son élan de courage et son regard fusillant n'eurent pour effet que de me faire sourire. C'est que son caractère de lionne courageuse me plairait presque. Pour une fois que quelqu'un ne me fuyait pas en s'excusant, la tête basse, en regagnant sa chambre à toute vitesse pour éviter que je m'en prenne à lui, c'était marrant d'avoir un peu de résistance face à ma personne.
« - Peut-être. C'est pas spécialement mon but, mais sait-on jamais. Au moins tu sais ce que tu encoures comme risques. »
Il était plutôt rare que les médecins me laissent seul en compagnie du psychiatre présent dans cet asile. En sachant de quelle façon j'ai réussi à assassiner celui de mon ancien enseignement, la sécurité oblige qu'une personne compétente soit présente dans les environs en cas d'attaque du personnel infirmier. Directement un peu plus sécurisé, même si ça ne me dissuaderait en rien de m'en prendre à quelqu'un si j'en avais l'envie. Mourir ne me faisait pas peur, ce serait même un grand soulagement pour moi. Au moins, je n'aurai plus à supporter l'ignorance de ma famille, qui, malgré ce que je laissais paraître, me faisait souffrir bien plus que ce que les autres pourraient croire, et si l'occasion se présentait, je pourrai abandonner ce monde d'abrutis profonds, sans aucun remord. À quoi servent les remords hormis ronger la vie d'un individu, de toute façon ?
« - Au bon endroit au bon moment, je suppose ? Un classique. » Allant m'asseoir, j'attrapais un de mes dessins entre mes mains, pensif. « - Et si tu disais la vérité, plutôt, tu ne crois pas ? »
S'il y a bien une chose que j'avais apprit en me retrouvant interné, dés la première fois, c'était d'observer les réactions et les tics des gens pour voir s'ils mentaient. Elle était extrêmement douée dans le mensonge, mais elle avait le regard dans le vague depuis ses dernières paroles, comme si elle-même n'arrivait plus à sortir des mensonges qu'elle déballait. Pourtant, le sujet des mensonges ne fut plus vraiment au goût du jour lorsqu'elle partit en crise d'hystérie, se mettant à pleurer tout en semblant se parler. Je comprenais un peu mieux la raison de sa présence ici, désormais : Elle aussi avait une part d'ombre et de lumière fortement distinctes en elle. La plupart des gens considérés comme 'normaux' nous disaient dangereux, et indignes de confiance. Parfois même, nous étions qualifiés de monstres. Moi, je me contente de dire que nous sommes simplement différents des autres, et que la normalité est ennuyante.
Sa position ambiguë aurait quasiment pu m'embarrasser si quelqu'un arrivait à ce moment-là. Mais étrangement, je n'y pensais pas tellement. Elle semblait tellement paniquée et confuse à la fois que je l'aide alors que j'avais plutôt éprouvé des envies de meurtre envers elle quelques instants auparavant qu'elle me ferait presque éprouver de la pitié. Après tout, elle ne semblait pas bien féroce et ressemblait plutôt à un animal effrayé plutôt qu'une menace, en ce moment même. La pauvre.
« - Je suppose que je suis dans un bon jour, simplement. Mais t'y habitue pas, c'est rare. »
M'agenouillant pour être à sa hauteur, je posais ma main sur son épaule et entourait mes bras autour de son corps, me sentant comme si j'avais la mission de la calmer et de la protéger du monde extérieur. Etrange sentiment que peut être la compassion.