1ST FALL – Il est rare que mes parents s'inquiètent, extrêmement rare. Ils n'ont jamais eu de très grande tendance à me sauter dessus à la moindre égratignure et j'ai toujours été très contente comme cela. Mais aujourd'hui la lueur dans leurs yeux n'est pas la même. Je vois bien que ma mère me regarde en coin et évite tout contact visuel. Il y a quelque chose dont elle ne veut pas me faire part et c'est ce qui m'effraye. Mon père, lui, fixe le sol et remue de temps à autres les lèvres, comme emporté dans une réflexion très intense. Cela n'a rien d'inhabituel, il a l'habitude de se laisser emporter par ses pensées en tout genre, mais je crains qu'aujourd'hui elles ne soient liées à moi. La porte du bureau en face de nous s'ouvre, le médecin demande à parler à mes parents pour commencer, et ils se précipitent alors comme aspirés par la pièce. Je reste seule dans ce grand couloir silencieux où seuls résonnent les cliquetis des aiguilles de la grande horloge accrochée sur le mur d'à côté. Le mur est blanc, les chaises sont blanches, le sol est blanc. Tout est épuré au maximum comme si l'on voulait une neutralité extrême des lieux afin que les patients ne puissent se raccrocher qu'à eux-mêmes. Je regarde l'heure, je vais être en retard. Julie va être folle, elle qui m'a traînée dans toutes les boutiques afin de me trouver une robe ''potable'' pour son anniversaire. Mais d'un autre côté, je suis soulagée de rater cette orgie alcoolisée et saupoudrée de décadence. Les effusions comme celles-là n'ont jamais vraiment été mon fort, même si la compagnie peut parfois y être étonnement agréable. Peut être que si l'entretien ne dure pas je pourrais y passer et ainsi essayer de me racheter. Et puis après tout il y a peu de raisons que nous soyons retenus plus d'une dizaine de minutes, ce n'était qu'une simple chute.

La porte s'ouvre de nouveau, le médecin me demande d'entrer cette fois. Mes jambes sont engourdies après être restées si longtemps immobiles, la sensation au lever est désagréable. Le regard du docteur est posé sur mes pieds comme s'il essayait de discerner une chose quelconque. J'entre et m'installe entre mes parents. Leur attitude est étrange. Ils sont tous deux figés et ne semblent pas près à me regarder. Ma mère saisie ma main, ses doigts sont glacés. La facture de l'IRM n'a pas dû être si minime. Le médecin s'installe alors en face de nous et me demande de lui raconter ma chute survenue plus tôt. Je lui dis tout, à savoir pas grand chose. Je descendais les escaliers et me suis emmêlée les pieds à la dernière marche. Ma tête a cogné le sol, d'où notre venue à l'hôpital. Je précise presque immédiatement que je n'ai eu mal à aucun moment et que mes parents se sont sûrement inquiété en vain. Les doigts de ma mère serrent alors les miens et j'entends mon père retenir sa respiration. La situation me paraît de plus en plus étrange mais je tache de rester calme, le stress ne résout rien en général. L'interrogatoire se poursuit, il veut savoir si je tombe souvent, si j'ai perdu du poids récemment, s'il m'arrive parfois d'avoir du mal à avaler ma nourriture, si ma vue a baissé, et bien d'autres questions qui sont dépourvues de sens en vue de la simple chute que j'ai faite. Un silence s'installe alors dans la pièce et le regard de mon père croise enfin le mien. Il a peur, il est paniqué et je jurerais qu'il a les larmes aux yeux. Je ne comprends pas. Malgré l'impolitesse de la question, je demande si l'on peut y aller, l'ambiance commence à devenir difficile à supporter. « Écoute Lahmia, ce n'est pas aussi simple que tu ne le crois. L'IRM a révélé une dégénérescence de ton cervelet, ce qui veut dire que tu es atteinte d'une maladie appelée l'ataxie spinocérébelleuse. » Mon cœur s'arrête quelques secondes, ma mère tente de retenir un sanglot. Je ne comprends plus rien, ce n'était qu'une chute stupide, rien d'alarmant j'ai toujours été maladroite. Et puis le fait de tomber de temps à autre ne veut absolument rien dire. Je lui demande s'il existe des risques, ce que cette sois-disant maladie est sensée vouloir dire pour mon avenir. « Tu sais tout n'est pas soigné de nos jours, et tu es la mieux placée pour savoir que les chercheurs travaillent très dur... » Je n'écoute plus. Ma mère tente de retenir un sanglot, mon regard se pose sur elle, ses yeux se tournent enfin vers moi. J'y lis alors tout ce que je redoutais. C'est grave. Très grave.


2ND FALL – Le réveil sonne. Il est temps pour moi d'aller en cours. Ce matin je commence avec littérature anglaise, ce que je préfère. La sortie du lit ne devrait donc pas être extrêmement difficile. Mais à mesure que mes yeux s'ouvrent, je vois la carte accrochée au dessus de mon lit. Le monde. Encore une chose que je ne pourrais jamais faire. La raison pour laquelle je garde cet élément de torture est un mystère. Probablement une motivation supplémentaire pour me forcer à avancer. Quelquefois je regrette de ne pas m'être fracassée le crâne lorsque je suis tombée dans ces escaliers. Cela aurait simplifié les choses pour mes parents qui n'auraient plus eu à s'occuper de moi à longueur de temps, à m'emmener chez différents médecins pour essayer toutes sortes de traitement, à m'aider à m'habiller, à me laver. Je suis redevenue une charge pour eux alors que l'heure de l'émancipation approchait à grands pas. Le pire dans tout cela n'est pas d'être un poids maintenant, mais de savoir que dans quelques années et même quelques mois cela aura empira. La maladie a déjà gagné du terrain en un an, des gestes simples et quotidiens sont devenus délicats. C'est comme si tous les symptômes s'étaient manifestés à partir du moment où j'ai pris conscience de la situation. Les traitements permettent de ralentir l'avancée de tout cela, mais ils n'endiguent en rien l'enjeu de la course. Ce n'est malheureusement pas moi qui vais monter sur ce podium. J'en ai pour une dizaine d'années tout au plus et bien avant ça je me retrouverai coincée dans mon propre corps, assujettie par une dégénérescence.

Je jette un coup d’œil à mon réveil, si je ne me lève pas de suite je serai en retard et il en est hors de question. La couverture se retrouve rapidement au pied de mon lit alors que je me redresse et pose un pied au sol, puis deux. Je pousse sur mes bras pour me lever mais une étrange sensation m'envahit. Mes jambes tremblent et lâchent presque immédiatement. Le sol se rapproche lentement de mon visage et mes bras se retrouvent comme paralysés, je ne parviens pas à retenir ma chute. Face contre terre aucun cri ne veut sortir de ma gorge. Complètement catatonique je ne peux faire quoi que ce soit, si ce n'est me concentrer sur ma respiration accélérée. Les minutes passées dans cette position avant que ma mère n'arrive pour m'aider me semblent être des heures. Je l'entends crier alors que la porte s'ouvre et vois ses pieds accourir vers moi. Rapidement ses bras m'entourent et me bercent tandis qu'elle essaye de prononcer quelques paroles réconfortantes entre deux sanglots. Oui maman, tout va bien rassure-toi. Aucun mot ne passe la barrière de mes lèvres, je dois encore être sous le choc. Mon père arrive peu après et rejoins ma mère par terre, ils m'encerclent tous les deux mais la chaleur de leurs bras n'y change rien. Ma respiration se calme peu à peu néanmoins et je récupère la 'pleine' possession de mes moyens. C'est la première fois que je tombe, les difficultés s'arrêtent d'habitude à mes jambes rigides au réveil, cela ne va pas plus loin. Mes parents commencent à paniquer, ils veulent prendre rendez-vous avec de nouveaux instituts dans la journée, ma mère évoque alors la clinique Waters. Non. Il est hors de question que j'intègre cet établissement. Il est bien trop tôt et je sais pertinemment qu'une fois internée je ne passerai la porte de sortie que complètement froide. J'ai enfin pu recommencer dans un endroit où l'on ne me lançait pas des regards remplis de pitié et ou personne ne savait que c'était moi 'la fille qui est malade'. Mais c'est la meilleure solution, un jour ou l'autre mes parents ne seront plus capables de me prendre en charge et leur seul recours sera alors une clinique comme Waters, et je le sais très bien. Mais comment se résoudre à accepter la mise en marche d'un processus qui rapproche chaque jour un peu plus de la  mort ? Je n'ai que 18 ans et pourtant je ne pourrais rien faire de ma vie, même lire va devenir trop dur passé un certain point. Mon père me caresse les cheveux comme pour me faire accepter leur décision. Je n'ai pas d'autres choix que de me résigner face à cette énorme injustice qui me prive de ma vie. Une chose est sûre, je ne survivrai pas à une troisième chute...

Bienvenue sur le forum! Si mon post gêne pour la suite dis-le moi, en attendant super choix de scénario! ♥

Bienvenue

Muchas gracias amigos  

Ohlala je suis gâtée de chez gâtée... Une prépateuse (c'en est fini pour moi, muahahaha), ma Lahmia prise et une fiche parfaite (vraiment, j'adore *-*). Bon je ne passe qu'en coup de vent et je te mpotte demain, mille fois merci d'avoir choisi ce scénario en tout cas et d'avoir écrit une si jolie fiche   !

Spoiler:

(au fait, je mets le scénario en réservé le temps que tu sois validée, on sait jamais )

En même temps, en vue de la qualité du scénario on ne peut être qu'inspiré! ehehe   

Bienvenue parmi nous

Je vois que tu es en prépa... toutes mes condoléances bon courage

Bienvenue parmi nous !!

Arf merci, rien que de penser à la rentrée j'ai envie de pleurer eheh  
En tout cas moult mercis, vous êtes adorables    

Bienvenue!  

Je tiens à m'excuser pour le temps d'attente.