Ring Riiiing ! La soirée s'annonce super !

Pas de quoi fouetter un chat... Nan mais vraiment ! Pourquoi se sentait-elle aussi nerveuse ?

Charlotte allait juste passer une soirée tranquille avec son pote Pryam, ça ne valait vraiment pas une annonce sur le journal local ! Mais la jeune femme sentait que quelque chose la tracassait. Une impression tenace qu'il allait se passer quelque chose... C'était vraiment très frustrant et très énervant ! Grimaçant devant sa glace, en serviette éponge, les cheveux mouillés de la douche qu'elle venait de prendre, l'infirmière fronçait les sourcils. Pas de robe, ça c'était sûr ! Un jean bleu délavé, ça aussi c'était certain. Restait à savoir ce qu'elle allait mettre en haut et dessous. Avec un gros soupir agacé, Charlotte se tourna vers sa penderie avec une grimace tordue. Être une fille, c'était vraiment pas évident ! Elle voulait plaire à Pryam mais sans vouloir lui faire croire qu'elle avait d'autres intentions que regarder un film et manger de la pizza. C'était extrêmement déstabilisant de se dire qu'elle allait être seule avec lui, sur un canapé, avec un espace entre eux assez restreint...

PFOUAH ! NON ! Fallait pas y penser ! Avec une mine résolue, la jeune femme opta pour des dessous simples mais coquets de couleur bleu électrique, puis par dessus, sans réfléchir à ce qu'elle venait de choisir, elle enfila un jean noir finalement, avec un t-shirt à manches courtes bleu marine sur lequel était écrit en lettres blanches "I'm the Best, You cannot Test". Puis toujours sans réfléchir, elle se maquilla très légèrement : juste du mascara noir sur les cils et une touche de blush sur les joues, et elle attacha ses longs cheveux en une queue de cheval haute sur la tête.

S'octroyant un satisfecit plutôt positif, Charlotte fila dans la cuisine où elle sortit le jus de fruits qu'elle avait acheté dans l'après-midi (vu l'addiction de Pryam pour l'alcool, mieux valait s'abstenir d'en ramener, ça serait comme ramener de la drogue chez un drogué, même effet, même conséquence). Elle mit la brique dans un sac en plastique, attrapa son portable qu'elle mit dans sa poche arrière et ses clés de la maison et de la voiture. Elle verrouilla sa porte et descendit les étages à toute allure, même si elle était en avance d'une bonne heure déjà.

Sortant dans la rue, le spectacle désolant qui l'attendait lui fit ouvrir grand les yeux... Sa voiture, une belle petite Citroën C3 blanche qu'elle entretenait régulièrement et qui marchait comme si elle était neuve ressemblait à présent à un accordéon, collée contre le mur où elle s'était garée en début d'après-midi, coincée par un camion de glaces. Des flics et une ambulance étaient là.

- Euh... Mais...

- Cette voiture est à vous, madame ?

- Euh... Oui, mais... Qu'est-ce qu'il s'est passé ???

- Et bien le conducteur a fait un malaise et a perdu le contrôle de son véhicule. J'espère que vous avez une bonne assurance parce que je crains qu'il ne faille changer votre voiture.

Abasourdie, Charlotte se rappela heureusement qu'elle en avait une bonne. Sortant son téléphone de sa poche, elle composa rapidement le numéro de son assurance pour expliquer le sinistre, et cette dernière lui annonça qu'un véhicule de courtoisie allait lui être amené dans le quart d'heure qui suivit, avec un expert pour estimer les dégâts et son implication (certes nulle) dans cette affaire. La soirée commençait admirablement bien... Et heureusement pour elle, elle n'avait rien laissé de valeur à part de grands sacs plastiques pour quand elle allait faire des courses dans le coffre. Mais bon, c'était quand même sa voiture qu'elle avait réussi à s'offrir après un an à avoir travaillé à l'hôpital.

Mais bon, Charlotte avait largement de quoi la remplacer, ce n'était finalement que des dégâts matériels. La santé du chauffeur n'était pas en danger non plus, alors elle pouvait partir sans se retourner quand la voiture arriva avec l'expert qui lui annonça prendre les choses en main. La jeune femme sourit avec un agacement renouvelé et finit par s'enfuir des lieux du crime pour rejoindre son ami chez lui. Finalement, cette soirée tombait à pic !

Montant les escaliers de l'immeuble de Pryam, la jeune femme n'avait qu'une hâte, tout oublier le temps d'une soirée. Elle frappa donc à la porte et entra sans attendre, comme à son habitude.

- Salut ! Tu devineras jamais ce qui m'est arrivée en sortant de chez moi !

Elle déposa la brique de jus de fruits sur la table de la cuisine avant de jeter un coup d’œil dans le salon rangé, mais de Pryam, pas de trace à part le bruit de la douche. Avec les joues qui s'échauffaient légèrement, Charlotte sortit deux verres et les remplit, en prenant un pour le boire, la fraîcheur lui faisant un bien fou...

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Ring Riiiing ! La soirée s'annonce super !

Pendant quelques secondes, Charlotte se demandait très sincèrement ce qu'elle foutait là, ce que Pryam était en train de faire, et s'il ne valait pas mieux pour elle rebrousser chemin pour rentrer chez elle avant de commettre un acte irréparable... Parce que son ami uniquement vêtu d'une serviette de bain, l'eau encore ruisselante sur sa peau musclée et légèrement mate, ses yeux bleus moqueurs... C'était beaucoup de choses qu'il lui fallait supporter et la jeune femme doutait de parvenir à se contrôler, encore plus quand il l'embrassa sur la joue, comme à son habitude.

Figée comme une statue, elle finit cependant par bouger et fila une petite tape derrière la tête de Pryam en riant quand celui-ci en vint à lancer une plaisanterie douteuse. Puis s'empêchant de le reluquer en le voyant partir dans sa chambre, Charlotte se secoua mentalement les puces une fois de plus avant d'emporter le jus de fruits et les verres sur la table basse, attendant que môssieur daigne faire acte de présence. Il vint finalement s'asseoir à côté d'elle, bien trop près pour sa tranquillité d'esprit. Elle percevait sans peine sa chaleur masculine qui éveillait en elle une part de féminité qu'elle avait essayé de réveiller avec d'autres hommes pourtant.

Essayant de garder le contrôle, Charlotte pensa à sa mère, aux petits vieux qu'elle croisait parfois à l'hôpital, aux enfants dont elle s'occupait tous les jours, et cela marchait mieux que bien. L'incident fâcheux avec sa voiture lui revint au moment même où Pryam lui posait la question.

- T'en veux une bonne ? Ma voiture s'est faite écrasée comme un moustique contre le mur de mon immeuble... Et par un camion de marchand de glaces ! Ma petite titine que j'ai eu après ma première année en tant qu'infirmière... Je suis dégoûtée.

Se resservant du jus, elle grommela encore un peu, légèrement énervée par plein de choses. Puis elle se pencha sur l'épaule de Pryam pour regarder le dépliant.

- Bon, on prend quoi ? Je te préviens, j'ai faim. Et on se partage les frais, comme d'hab.

Il n'y avait pas à discuter. Quand Charlotte prenait une décision, elle s'y tenait quoiqu'il arrive. Se forçant férocement à faire abstraction de sa proximité avec le jeune homme, elle tentait de se concentrer sur les mots alignés sur le papier...

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A bunch of epic dumbasses.

A présent qu'elle avait déménagé chez son meilleur ami Thanatos -quel drôle de nom, mais allons bon, ses parents devaient être des originaux; les russes, quoi- Chloe n'habitait pas loin de son frère, à Victoria Parade, ayant quitté son trou à rat de Carlton Street en réglant ses dettes en vendant presque tout ce qu'elle avait. Sa Dogde Ram 2500 avait faillit passer la consigne mais plutôt dormir dedans pour tout foyer que de la refiler à un tas d'hussiers-vampires. En plus elle avait encore dix ans à tirer pour pouvoir la rembourser, alors la vie était parfois, souvent, une question de priorités. Comme ce soir, après ce sms foireux de son pauvre frère qui lui demandait de passer genre "à l'improviste" pour lui donner un peu d'aide avec une fille sur laquelle il avait flashé. Qu'il était con: irrécupérable. Comment voulait-il qu'elle l'aide, elle qui n'avait jamais su retenir une fille? Elle s'imaginait bien lui dire "vas-y, menace-là", tiens. La voilà cependant sur la route en ce début de soirée, le bras ballant mollement au dehors de la fenêtre ouverte, une clope aux lèvres, le regard rond d'ennui. En cette heure entre chien et loup, toutes les rues de la ville avait tendance à se ressembler et Carton comme Victoria, rien ne changeait finalement. Elle aimait simplement rouler dans ce 4x4 qui lui avait couté un bout de poumon: au sens propre.

La musique à fond, le vent chaud de la nuit dans le visage; elle remit nerveusement une mèche en place, le regard naturellement mauvais en tirant sur sa cigarette comme si elle cherchait à lui faire mal. La jeune femme essayait de ne pas retourner la question du soir dans sa tête, une bouteille de Perrier coincée entre les cuisses, un petit nœud sur le goulot: un petit foutage de gueule pour son frère, comme elle les affectionnait; s'arrêtant à uns top, elle attendit sans patience, la tête battant la mesure de Fire water burn de Bloodhound Gang, connaissant par cœur les paroles de la chanson, d'une rare spiritualité.

"The roof, the roof, the roof is on fire... the roof, the roof, the roof is on fire...", elle tira sur son mégot avant de le jeter par la fenêtre, "We don't need no water let the motherfucker burn...", terminant avec un emphase particulier, secouant un peu la tête: "Burn motherfucker, burn."

Elle démarra en trombe, grattant la priorité sans scrupules et par pur plaisir d'ennuyer les gars en face, donnant un bon coup de volant pour arriver devant l'immeuble où habitait son frère, et où elle avait logé quelques temps. La brune glissa hors de son palace, crachant par terre par réflexe; putain de glaires, galère. Elle prit ses clefs, la bouteille et se massa un peu les yeux avant d'entrer dans le hall. Elle venait de finir son service au Macdo; oh joie d'être crevée d'un boulot de merde. Portant comme toujours un t-shirt noir un peu informe, cette fois-ci à l'effigie de son chanteur préféré, Ronnie James Dio, avec un jeans noir  rentré dans sa sempiternelle paire de bottes paramilitaires, un poignet de force en cuir et les cheveux remonté en un chignon lâche expédié en deux secondes, elle avait toujours la même allure: celui d'une nana à l'air patibulaire et négligé. Chloe ne s'encombra pas de toquer ou de s'annoncer; elle avait les clefs et jouait son rôle de frangine envahissante venue à l'improviste pour mettre les pieds dans le plat et balancer les deux dans une situation propice. Putain, elle détestait l'idée d'être entremetteuse; elle, quoi...

Un tour de clef et la voilà qui passe la seuil de la porte avec sa bouteille de Perrier sous le bras, faussement surprise; elle haussa les épaules, faisant une grimace qui voilait dire "oh putain, je suis surprise". Piètre comédienne que Chloe, mais elle faisait son possible. Son regard gris acier esquiva son frère pour se poser avec art sur la jeune femme rousse assise en face de lui. Elle resta silencieuse un instant avant de siffler la fille, sans manière.

"Wow, salut miss. Tu t'es perdue en route ou quoi? Me dis pas que t'es en visite chez mon dalleux de frère?", elle rit, "désolée de couper un truc, je viens juste récupérer quelques fringues que j'ai laissé."

Elle eut un sourire à l'adresse de son frère et vint à lui sans gêne, lui claquant une tape dans le dos à faire frémir un catcheur.

"Salut, lopette! Attention, réflexes!", elle lui lança la bouteille de Pierrier, "cadeau, l'alcoolo!"

Elle lui remit une claque dans le dos, comme un frère le faisait à un autre; il n'y avait rien de féminin chez Chloe et elle n'avait aucun besoin de forcer le trait. La brune finit par pivoter vers la rousse avec un large sourire qui montrait qu'elle n'était absolument pas sérieuse.

"Hé gazelle, si mon frère se dégonfle moi je veux bien t'emmener à l'arrière de mon 4x4."

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Ring Riiiing ! La soirée s'annonce super !

Oh bon sang ! Elle était vraiment sur le point de prendre ses cliques et ses claques pour s'en retourner chez elle tant la tension dans la pièce devenait insoutenable ! Pryam essayait bien de faire bonne figure, mais elle ne savait pas pourquoi, il bondit du canapé comme un diable hors de sa boîte. La soirée s'annonçait vraiment géniale dans ces circonstances...

- Ouais, le conducteur a fait un malaise, heureusement il a rien de grave, c'est juste ma voiture qui a tout pris... J'ai plus qu'à la changer, elle ressemble à un éventail fermé en fer.

Faisant comme si de rien était, Charlotte attrapa le dépliant des pizzas pour faire son choix, puisque c'était demandé si gentiment, ne prenant pas garde à la manière dont Pryam buvait son jus de fruits... Autant ne rien dire, sinon la situation allait empirer... Nan mais quelle horreur cette soirée quoi ! Fallait vraiment qu'ils se détendent, sinon ça allait mal finir ! Et juste au moment où la jeune femme souhaitait faire une suggestion, une tornade entra dans l'appartement sans que rien ne le laisse présager.

Ouvrant de grands yeux ronds, Charlotte finit par comprendre que c'était la fameuse Chloe, la petite sœur de Pryam dont il lui avait tant parlé. Elle ne connaissait pas tout son parcours mais savait quelques petites choses, notamment sur sa manière de se conduire. La rouquine avait été prévenue, du coup sa surprise s'évapora en un grand sourire quand elle se leva.

- Salut. Je suis Charlotte Morris, une amie du dalleux, en effet ! Toi tu dois être sa sœur, ça fait longtemps qu'il me parle de toi sans jamais que je puisse mettre un visage sur sa frangine.

L'infirmière avait beaucoup d'humour, ce fut donc en tant que tel qu'elle prit la proposition de Chloe de l'emmener dans son 4x4. Riant de bon cœur, Charlotte répondit tout de même, parce que ce n'était pas dans sa nature de laisser de l'humour passer.

- Si ton frère se dégonfle, c'est qu'il est vraiment pas doué, avec toutes les conquêtes éplorées que j'ai dû ramasser derrière lui.

Puis la connerie immense qu'elle venait de sortir la frappa comme la foudre. Avant de finir rouge comme un piment, Charlotte annonça rapidement qu'elle allait aux toilettes et partit aussi naturellement qu'elle le put avant de s'enfermer dans la salle de bain. Nan mais sérieusement, elle allait vraiment finir par mourir de stress ! Il fallait absolument qu'elle se reprenne avant de sortir une autre bourde aussi énorme ! Laissant couler de l'eau fraîche du robinet du lavabo, la jeune femme rafraîchit ses joues brûlantes de honte et inspira vivement plusieurs fois avant de se décider à remettre un pied dans le salon...

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Le fait que Charlotte -telle qu'elle se présenta- lui sourit et ne prit pas la mouche plut à Chloe qui avait pour habitude de tester systématiquement les gens qu'elle rencontrait. C'était selon elle un parfait moyen de savoir directement, sans mauvaises surprises, si les autres allaient l'accepter ou pas, et s'ils valaient le coup qu'elle s'intéresse à eux. La brune lui offrit un large sourire mais ne lui répondit pas: nul besoin visiblement puisque Pryam lui avait parlé d'elle: elle savait surement déjà à quoi s'en tenir alors autant ne pas insister; puis Chloe n'avait pas grand chose à répondre, pour le moment. Elle n'était là que parce que son frère lui avait demandé de l'aide. Pauvre garçon: au fond d'elle les choses l'agaçaient: ne pouvait-il séduire une fille seule? Ils avait bien comment elle était, comment elle fonctionnait...

Cependant Chloe fit l’effort de tendre sa main à la rousse pour la lui serrer vigoureusement; une pogne de petit mec, à l'évidence. Elle sourit, plus engageante qu'à l'accoutumée, hochant un peu de la tête; cette nana n'était pas timide à l'évidence et elle comprit vite pourquoi elle plaisait à son ainé: ce devait être une good girl avec beaucoup d'humour. La jeune femme s'avoua aussi qu'elle était loin d'être moche mais ça, ce n'était pas son business. Alors lorsque Charlotte mit les pieds dans le plats, incitée par Chloe, cette dernière se feint d'un énorme sourire jusqu'aux oreilles: la vache, ça marchait comme sur des roulettes: Charlotte avoua, parlant de Pryam, qu'elle verrait s'il se dégonfle, preuve qu'elle était au courant de la situation entre eux. Preuve qu'elle savait qu'elle plaisait à son frère. Bingo bongo, fuckers. Pas plus difficile que ça.

La petite rouquine fila dans la salle de bain en se rendant compte de son erreur, le rouge au joue. Chloe croisa les bras et retint à grand peine un rire qui couvrit le geste d'humeur de son frère avec la bouteille; geste dont elle se moquait éperdument, au passage. Lorsqu'il vint à elle pour la disputer, la grande brune haussa simplement les épaules, réprimant une moue amusée.

"Putain bro, du calme, ça marche là... elle vient de faire comprendre qu'elle savait qu'elle te plais. Une nana qui sait ça et l'accepte, c'est que c'est réciproque", elle croisa à nouveau les bras, tournant le dos à Pryam sans vouloir l'écouter, "oh c'est bon... c'est toi qui fout tout en l'air en étant stressé comme ça, elle va pas te bouffer cette petite souris..."

Chloe réprima un air agacé, reniflant nerveusement; elle se contint pourtant en sentant la moutarde lui monter au nez. Pourtant le départ de son ainé vers la cuisine l'alarmant d'instinct et elle le suivit comme son ombre pour le voir chercher une bouteille de whisky de son placard. Elle resta un instant dans son dos, adossé à la chambranle de la porte à le couver sous un regard de colère mais se radoucit en le voyant devenir raisonnable. Quand il la dépassa, la foudroyant du regard, Chloe lui offrit un regard noir, très contenu mais qui semblait très clair.

"Si je te vois boire, j'te casse la bouteille sur la tronche, c'est clair?"

Ses menaces n'étaient jamais des paroles en l'air et son regard furibond était une autre preuve de sa sincérité tandis qu'elles 'écarta du passage de Pryam pour le laisser s'embourber devant la porte de la salle de bain; l'entendant, sa petite sœur se plaqua une main sur le visage, le fixant depuis la porte de la cuisine en lui murmurant quelque chose facilement lisible sur ses lèvres. "Lo-pette", comme un avertissement de changer d'attitude. Se rendre pitoyable n'était pas la solution. Il fallait aller de l'avant. Si Chloe laissait son frère faire, Charlotte se trouverait un autre mâle. La brune glissa à coté de son frère, le fixant sans rien dire, les bras toujours croisés, l'air de le réprimander du regard.

"T'es vraiment moisi avec les filles, tu sais ça? Tu vas finir avec une poupée gonflable à te branler sur des films avec Meg Ryan", murmura-t-elle avant de hausser le ton, dressant la tête, "c'pas grave, Charlotte, t'as pas de quoi te sentir gênée hein. Passons à autre chose."

Elle avait l'air calme, Chloe, pour une fois, se poussant pour laisser la rouquine sortir de la salle de bain, elle fixa son frère comme pour le surveiller. Elle avait mit les pieds dans le plats mais c'était tout à fait volontaire: il fallait introduire un certain malaise pour faire avancer les choses; certains trucs ne savent pas toujours se régler en douceur.

"Et au cas où Pryam, je suis bien installée chez Thanatos, merci", elle regarda un instant le plafond, "vous allez vous faire des pizzas? J'ai vu le dépliant."

Innocemment, l'air de rien; elle fixait toujours le plafond avec cet air de chercher quelque chose qui n'existait que dans son esprit.

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Pendant quelques secondes, Charlotte ne savait plus quoi faire... Le rouge de ses joues refluait lentement, signe qu'elle reprenait le contrôle, en espérant de toutes ses forces que Pryam et Chloe ne relèvent pas ce qu'elle venait de dire. Bon, après tout, il fallait que ça sorte fatalement un jour mais elle aurait préféré le dire d'une autre manière, pas aussi connement. Rouler sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, sa mère le lui avait dit et répété une bonne centaine de fois...

Puis au moment où la jeune femme allait pour saisir la poignée de la porte afin de sortir, Pryam était venu devant celle-ci pour s'excuser, et il fallait le dire très honnêtement, de manière pitoyable. Le sens de ses paroles fit monter la rage aux joues qui devinrent rouges de nouveau mais pas pour les mêmes raisons... Non mais... Il venait de la jeter ou elle rêvait éveillée ?? Retenant une exclamation choquée, Charlotte se raidit violemment et manqua de perdre le souffle, à la limite d'ouvrir la porte avec hostilité dans le but de lui foutre un coup de poing en plein nez. Elle n'était pas violente d'habitude mais là, ça tenait plus de l'instinct de survie...

Heureusement pour lui, Chloe arriva à faire redescendre la pression en prenant la chose avec plus de légèreté. Reprenant progressivement sa respiration, Charlotte lutta encore un peu pour s'empêcher de fondre sur Pryam pour le latter à coups de claques sonnantes. Nan mais sérieux ! Lui qui avait eu plein de conquêtes, elle se demandait sérieusement quelle était sa technique, vu la boulette intersidérante qu'il venait de sortir.

Sortant de la salle de bain, la jeune femme ignora royalement Pryam et se dirigea vers le canapé, s'asseyant à côté de Chloe comme si de rien était.

- Tu as déménagé, Chloe ? Pryam ne m'en a rien dit, comme quoi, les amis ne se disent pas tout.

On sentait le ton de la revanche dans sa voix, sans pour autant être trop sec non plus. Pryam allait devoir se plier en quatre pour se faire pardonner son immense bévue. Avec un grand sourire, Charlotte entama sa vengeance.

- Et si tu veux rester manger avec nous, je suis pour ! D'ailleurs, tu peux te choisir une pizza et aussi un DVD, on pensait pas que tu viendrais ce soir mais c'est une bonne chose : j'ai envie d'apprendre à te connaître.

Traduction : je ne veux plus rester seule avec ton débile de frère. Mais bon, c'était vrai aussi qu'elle voulait connaître mieux Chloe qui avait l'air d'être quelqu'un de sympa malgré ses airs bourrus. Et pourquoi pas s'en faire une amie si elle était ok ?

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Chloe eut un vague sourire, entre l'amusement et l'agacement avant de tourner simplement les talons et aller s'assoir sur le canapé du salon; pas besoin d'en faire tout un fromage. Elle s'effaça volontairement du reste de la discussion, glissant ses pieds sur la table basse en les croisant, l'air décontracte alors qu'elle était toute aussi tendue que son frère, mais pas pour les mêmes raisons: la brune ressentait les choses avec une intensité parfois fatigante et la soirée promettait d'être riche en émotion; il faudrait se surveiller. Cependant sur le sujet des filles -celles des autres- elle avait une longueur d'avance: son frère avait eut beaucoup de compagnes, mais il savait être un vrai cake inhibé par ses propres sentiments, à ses heures perdues; elle, les sentiments... elle préférait éviter ça au maximum.

Elle ne fut pas surprise de voir que Charlotte vint à elle, comme un évitement pour son frère; technique de gonzesse la plus basique qui soit: se faire désirer, ou marquer son mécontentement par l'ignorance. C'est fou ce que les filles font dans le double langage: elle, elle n'aimait pas ça, franche et directe, surement un peu trop. Elle se contenta de hocher de la tête lorsque la rousse parla de son déménagement, un sourire un peu flou tirant sur les bords de ses lèvres, presque férocement.

"En même temps, il me connais et sais que je n'aime pas qu'on parle de ma vie privée", elle sourit à Charlotte, comme pour invalider son raisonnement; Pryam était son frère et elle serait de son côté pour la forme. Pour le reste, elle pourrait se ranger du côté de Charlotte, mais pour de bonne raison uniquement. Et l'entraide féminin n'en faisait pas parti, "c'est donc normal qu'il ne t'ai rien dis, ça ne remet pas en cause votre amitié."

Vlan dans les dents, avec un sourire plus marqué; rien de méchant cependant, juste quelque chose qui disait que son frère la connaissait et la respectait. Charlotte entama sa vengeance alors que Pryam battait en retraite pour commander les pizzas; Chloe posa ses bras sur le dossier du canapé et glissa la tête en arrière pour lui dire, d'une voix forte:

"Bœuf, champignon, sauce barbecue, oignons, comme tu sais! Toujours la même chose!"

Chloe était à l'aise chez son frère, et avec son frère et cela se voyait: elle était avachie sur le canapé sans en être dérangé, lui parlait cependant sans le commander ou s'imposer à lui, plus comme une sorte de petit frère un peu faussement badass qui n'est pas vraiment sociable mais fait un effort pour son ainé. Lorsque la rousse reprit la parole, la jeune femme eut un vague sourire amusé.

"T'es mignonne, va", elle lui chamboula les cheveux comme si elle la connaissait depuis des lustres, "je reste si Pryam est d'accord, j'ai pas l'air mais j'm'impose pas. Et visiblement pour lui c'est bon."

Elle fouilla dans sa poche et en tira un paquet de cigarettes qui semblait avoir connu des jours meilleurs, en extirpant la dernière qu'elle porta à ses lèvres avant de l'allumer nonchalamment.

"Apprendre à me connaitre", elle rit, acide, "y'a rien à apprendre gazelle, je suis la petite sœur de Pryam, je bosse en usine en ce moment et j'ai des problèmes relationnels."

Elle dit cela avec une certaine légereté, comme si sa vie n'était qu'un dossier de plus, comme si elle était chiante à mourir: c'était le cas. Mais elle avait toujours son frère qui l'avait aidé et soutenu, et pour cela, elle ne lui avait jamais dit merci; elle avait trop de fierté pour ça mais l'amour qu'elle avait pour lui était infini: puissant et sans mesure; si fort qu'elle ne parvenait pas à l'exprimer avec des mots. Alors elle le chambrait, comme si c'était sa manière de lui communiquer l'affection filiale qu'elle avait pour lui, autrement indicible, et cette reconnaissance infirme. Un instant passa dans un certain silence: elle n'était pas le genre de femme avec laquelle on peut aisément faire la conversation, plus réservée qu'elle n'en donnait l'air. Son frère revint finalement, reparlant du film avant de la questionner sur Thanatos. Chloe pencha la tête vers lui avec désinvolture, la clope au bec.

"Thanny?", elle expulsa la fumée par les narines, "bien, pour un névrotique. Et comme il est pédé, il me touche pas le cul, je touche pas le sien: le coloc' de rêve."

Elle se la jouait, mais elle aimait ce type aussi profondément qu'un frère; à la clinique, ils s'étaient épaulés et le russe avait sut prendre la patience d'accepter le caractère de la jeune femme pour percer sa carapace; mais elle n'aimait pas l'admettre, comme le fait qu'elle aimait son frère; l'amour, du moins ses démonstrations, c'était pour les lopettes. La brune n'ajouta rien de plus, hochant du chef à la demande de son frère; bien sûr qu'elle lui passerait le bonjour; elle recherche son cendrier de poche qu’elle ouvrit pour y plonger sa clope à demie fumée, expectorant le reste de fumée avec humeur lorsque son frère vint se coller à Charlotte.

"Oh tu fais quoi, épais? Tu vas juste te faire jeter si tu la colles comme ça, ça fais grave lourd", dit-elle le plus naturellement du monde. Et sérieusement du monde, "putain, les mecs... voilà pourquoi je suis homo, moi."

Un facepalm théâtral plus tard et Chloe eut un rire de gorge, profond: il faisait vraiment n'importe quoi, tellement n'importe quoi que c'en était touchant, pour elle. Elle rit finalement de bon cœur, envoyant une petite bourrade sur l'épaule de Charlotte, de la sienne, l'air de lui souhaiter bon courage avant de se lever d'un bon pour gagner la cuisine, un sourire aux lèvres. Elle souriait rarement et c'était visible; au questionnement de son frère, elle se contenta de répondre:

"Je vais prendre un verre d'eau du robinet à la cuisine. Choisissez un film, je m'en fous: juste pas coup de foudre à Notting Hill ou truc du genre, ça me fait chier."

Elle rit en disparaissant rapidement en cuisine, faisant comme chez elle; une fois au calme, la brune chercha l'objet de son méfait, de la tentation de son frère: la bouteille de whisky dans ce placard qu'elle ouvrit tout doucement, avec un art consommé, vidant son contenu dans l'évier pendant qu’elle faisait couler l'eau pour masquer le bruit; au revoir tentation. Elle veillait sur son aîné, mine de rien. Comme une lionne enragée. Elle remplit ensuite la bouteille d'eau et la replaça à l'endroit où elle l'avait trouvé: Pryam aux prises avec sa jolie rousse, ça lui laissait du temps pour manœuvrer; autant en profiter. Elle revint au salon avec son petit verre d'eau, déjà à moitié vide et resta debout dans la chambranle de la porte, une main dans la poche.

"Alors, ça sera quoi? Brocken Ass Mountain, avec les mecs qui font de la transhumance et s'enculent sous la tente?"

Elle eut lourdement en faisant des bulles dans son verre d'eau; on avait jamais dit que la cadette de Pryam avait un humour raffiné.

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Ring Riiiing ! La soirée s'annonce super !

Aoutch... Dans sa hâte à faire sortir son agacement, Charlotte se rendit compte une fois de plus de la stupidité de ses paroles... C'était pas vraiment la meilleure manière d'engager la conversation. Souriant avec une grimace de contrition, elle leva sa main gauche à sa tête, cherchant une mèche de cheveux à tortiller, signe qu'elle se sentait un tantinet nerveuse.

- Vu sous cet angle, je manque singulièrement de réflexion pour le coup.

Triple andouille, continue de dire ce qui te passe par la tête et tu donneras l'impression d'être la plus grande nouille que la Terre ait jamais porté ! Prenant une simple inspiration, la jeune femme se força à lâcher ses cheveux pour se tenir tranquille. Pryam était parti dans la cuisine pour commander leur repas de ce soir. Et en parlant un peu plus avec Chloe, Charlotte finit par sourire de manière plus naturelle. La sœur de son ami ne s'en rendait pas compte, mais ce qu'elle ne disait pas se ressentait énormément. L'attachement qu'elle portait à Pryam était tellement évident en cet instant, que la rouquine comprenait à présent pourquoi il avait du mal à se pardonner sa propre attitude envers elle. Chloe ne devait pas s'en rendre compte elle-même vu son ton un peu sec, mais c'était de ces sentiments qu'on n'arrive pas à faire sortir tellement ils pèsent sur notre âme.

- Pryam est génial. Un peu maladroit, idiot aussi à ses heures, mais c'est quelqu'un de bien. Vous n'êtes pas frère et sœur pour rien.

Ses premières impressions étaient rarement mauvaises. Charlotte savait qu'elle apprécierait Chloe, même si l'inverse n'était pas là, peu lui importait.

- Après, chacun a sa croix à porter. Mais même si on a des problèmes, on a toujours quelqu'un sur qui on peut compter pour se reposer un peu.

Son regard s'envola vers la cuisine d'où revint Pryam. Cet homme était impossible parfois. Il la faisait tourner en bourrique, mais s'il n'était pas là, Charlotte se serait sentie bien seule à certains moments de sa vie.

En entendant Chloe répondre sur Thanatos, la rouquine sourit largement. Elle avait un franc-parler qui ferait frémir les grands pontes de l'hôpital mais qu'est-ce que c'était drôle ! Elle l'appréciait de plus en plus !

- Au moins, tu risques pas de te retrouver à poil dans son plumard, à te demander c'que t'as foutu la veille !

Puis Pryam lança une affirmation que la jeune femme ne prit pas la peine de réfuter, déjà qu'elle mentait mal, et puis même si c'était vrai, elle ne se rendrait pas sans se battre. Et les difficultés à aplanir, il y en avait déjà pas mal. Le jeune homme s'installa à côté d'elle, beaucoup plus proche qu'avant l'arrivée de Chloe. Sa chaleur virile l'atteignit de plein fouet mais elle était mieux préparée maintenant.

- Oh laisse ! Il a besoin d'un contact féminin, le pauvre chou ! À force de larguer ses copines à la vitesse de la lumière, il ne sait plus quel effet ça fait d'être en compagnie d'une femme autre que sa sœur, hein ?

Se tournant vers son ami, Charlotte lui attrapa la joue et la pinça doucement par jeu en la secouant, sans pour autant bouger. Le combat était lancé et elle ne serait pas celle qui allait tomber... Ou elle ne tomberait pas seule, c'était certain. Chloe finit par se lever pour rejoindre la cuisine et se servir un verre d'eau, temps que Charlotte mit à profit pour porter le coup de grâce.

Se penchant lentement vers Pryam avec un air sérieux, elle lui lança un regard doux accompagné d'un léger sourire, tout en chuchotant pour n'être entendue que de lui seul.

- Et je suis certaine de ne pas être la seule à ressentir quelque chose, n'est-ce pas ?

À quelques centimètres de son visage, la jeune femme soupira tout doucement avant de s'écarter avec un petit rire facétieux et se retourna pour se servir un nouveau verre de jus d'orange, avant de se lever pour rejoindre la DVDthèque afin de faire un choix, puisque personne se décidait. Chloe revenant, la rouquine finit par attraper une pochette.

- Broken Ass Mountain, on m'a dit qu'il était très... Mouvementé comme film... Ça pour les mouvements, surtout sous la tente, avec des "viens, on va jouer au petit train, je fais le wagon de queue et toi la locomotive". Bref ! J'aurais plutôt pensé à Hellraiser ! J'en ai beaucoup entendu parler mais jamais pu me résoudre à le regarder toute seule, trop la trouille !

Montrant le devant de la pochette avec un petit sourire, Charlotte porta son verre de jus aux lèvres pour en boire une gorgée, en attendant la réponse de ses deux camarades de soirée.

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A bunch of epic dumbasses.

Chloe avait vaguement sourit, le bras le long du dossier du canapé, passant derrière Charlotte, les pieds croisés sur la table basse. Elle semblait à l'aise mais ne l'était pas à l'idée de porter la chandelle et de jouer aux entremetteuses; pourtant elle voulait aider Pryam à se trouver une file gentille et qui pourrait le remettre dans le droit chemin. Ses espérances-là ne se disent pas, ne se communiquent pas. Elles s'accomplissent ou restent muettes jusqu'à la fin. La brune n'eut qu'un simple sourire tranquille envers l'autre file qui semblait tout d'un coup réaliser que la sœur de Pryam ne connaissait pas l'humour de solidarité féminine, ou alors était plus proche de son frère qu'on ne l'aurait imaginé.

"C'est rien", dit-elle pour détendre à nouveau le jeu, "y'a pas d'malaise."

C'était Chloe Ella Ring, la grande impulsive, la violente toujours de mauvaise humeur qui disait ça... mais ce soir était un soir où elle devait se maitriser pour ne pas manquer son coup: elle aidait son frère, ce frère qui l'avait recueilli et quelque part, soigné à sa façon: la seule famille qui lui restait. Ce frère auquel elle ne pourrait jamais dire qu'elle l'aimait, par orgueil. Elle hocha simplement des épaules en fixant la télévision éteinte lorsque la rousse fit la comparaison frère et sœur.

"Lui c'est un mec bien. Un mec faible mais bien", elle la fixa un instant, "et qui t'aime bien, c'peu dire."

Elle eut un rire gaillard qui dissimula ses propres pensées: il a tellement besoin d'une fille bien, une fille qui pourrait l'aider à décrocher de sa dépendance et révéler le potentiel qu'il avait en lui. Chloe savait que Pryam était très profondément amoureux de Charlotte: il ne fallait pas être Einstein pour le comprendre. Mais il n'y avait présentement rien à dire; elle avait le coeur gros de sentir son frère amoureux, et tellement désireuse que son amour lui soit rendu. Il le méritait; Charlotte semblait une bonne fille, avec de l'humour et de lé dérision. Quant au reste, elle n'avait pas envie d'en discuter: elle n'était pas aussi respectable que son frangin et personne ne lui ferait changer d'avis: elle n'était pas une fille bien, loin de là. Et ce n'était pas une fille à peine rencontrée qui lui ferait dire le contraire. Ce genre de choses-là se travaille.

Pourtant, Charlotte sembla se détendre et cela eut le même effet sur Chloe; les bourdes arrivent et cela n'a aucune importance, en définitive. Prendre sur soi... à la clinique, elle avait apprit à le faire. Apprit à relativiser les dires des autres pour ne pas être sans cesse blessée, confuse. La brune hocha une nouvelle fois les épaules, la mine incrédule aux dires de Charlotte sur le soutien qu'on s'offre mutuellement.

"Mon frère a été là pour moi. J'me débrouille seule depuis mes vingt ans et je t'avoue que...", elle vérifia que son frère n'était pas dans les parages d'un coup d’œil furtif, "il n'y a qu'en Pryam que j'ai confiance, mais va pas lui répéter."

Les deux femmes rirent un instant de concert; le courant passait étrangement bien, d'une manière très naturelle alors que d'habitude Chloe était du genre farouche et distante, surtout avec les autres femmes. Mais Charlotte avait un petit quelque chose qui la mettait en confiance; bien sûr elle gardait ses réserves, parlant de son frère et jamais d'elle, mais des petites choses filtraient, ça et là. Une future complicité simple et efficace, sans chichi ou provocation. Chloe sourit à la rouquine lorsqu'elle revinrent à l'histoire de son colocataire.

"Honnêtement...", elle ricana bêtement, levant les yeux au plafond, "c'est pas trop le problème que je soies homo, ce mec spécial et je pourrai même tomber amoureuse de lui" et, après un instant, "... non, j'déconne!"

Elle se tut finalement, ayant peur que son frère ne les entendent. Chloe avait toujours été lesbienne, intimement convaincue de l'être même durant le seul rapport qu'elle avait eu avec un homme et dont elle ne parlerait jamais, un infirmier de la clinique avec qui elle s'entendait bien lorsqu'elle était encore interné; ils s'étaient revu à sa sortie et avait couché ensembles: le résultat n'avait pas été très probant. Mais lorsqu'on les regardait extérieurement, il pouvait y avoir une ambiguïté avec son meilleur ami Thanatos pour ceux qui ne comprenait pas la profondeur de leur lien d'amitié unique. Mais elle-même avait considéré la question, parfois: elle avait observé son ami avec un regard neuf et il fallait reconnaitre qu'être son petit ami lui aurait plu, si elle avait été un homme. Mais la question ne se posait pas.

Chloe prétexta ensuite de chercher un verre d'eau pour commettre son méfait dans la cuisine, en se débarrassant de la bouteille de whisky de son frère; elle n'avait pas le temps de faire des recherches plus avant pour chercher d'autres sources d'alcools et revint dans le salon. Lorsque Pryam la regarda avec les sourcils froncés, elle fit encore plus de bruit en buvant et lui fit un simple doigt d'honneur en retournant s'assoir sur le canapé, tandis que Charlotte avait choisi le DVD pour la soirée, assaisonnant son choix d'une bonne blague qui fit sourire la brune.

"Ce film est vachement profond, mine de rien", elle se reprit, comme si elle ne voulait pas passer pour plus intelligente qu'elle voulait qu'on la juge, "et putain il est bien gore!"

Elle laissa son frère mettre le DVD, l'air un peu ailleurs qui disparut dès que la bonne odeur de pizza emplit l'appartement, la faisant se dresser sur le canapé comme un chien de prairie aux aguets; son ventre gargouillait de manière sonore: cela faisait deux jours qu'elle n'avait rien bouffé de très consistant comme ses fins de mois devenaient de plus en plus difficiles...

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Ring Riiiing ! La soirée s'annonce super !

Sa petite conversation avec Chloe mena Charlotte à confirmer ce qu'elle pensait : au-delà des apparences, c'était une personne très attentive à son entourage, mais surtout à son frère. Ils donnaient cette impression de s'aimer mais l'orgueil considérant cela comme une faiblesse, ce n'était pas demain la veille qu'ils allaient l'admettre. La rousse sourit simplement et ne dit aucun mot de plus, ce n'était pas la peine d'en rajouter.

Ce qui se passa ensuite... Elle avait failli. Pryam ne s'en rendait peut-être pas compte, mais le charme qu'il dégageait l'avait complètement envoûtée et elle doutait vraiment de pouvoir y résister autant si elle en venait à se rapprocher de lui de la sorte.

Mais la présence de Chloe lui rendait finalement la tâche plus facile, ce dont Charlotte la remercia mentalement. S'ils avaient été seuls, pas sûr qu'elle eut pu se tenir aussi près de Pryam sans retenir ses élans.

- Ça fait longtemps que je n'ai pas vu de gore depuis saw 3. J'ai hâte de voir gicler le ketchup.

D'ailleurs, en parlant de ketchup, les pizzas venaient d'arriver. Mais Pryam lui fit un petit coup mesquin en payant rapidement le livreur et en refermant la porte sans qu'elle eut pu dire ou faire quoique ce soit.

- Dis donc toi ! J'ai dit qu'on partageait les frais, tu te rappelles ?

Et sans barguigner davantage, Charlotte s'avança vers son ami, à la limite de le frôler pour déposer un billet de vingt dollars dans la poche avant de son pantalon avec un petit sourire mesquin avant de lui prendre les cartons de pizzas pour les ramener sur la table basse du salon. Le film s'était mis en route tranquillement et la rouquine s'était de nouveau assise au fond du canapé en se servant une part de mozza-jambon bien fondante.

- Miam, les pizzas c'est bon !

Avec un grand soupir de satisfaction, avant de faire une place entre Chloe et elle pour l'homme de l'appartement.

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A bunch of epic dumbasses.

Il n'y avait pas grand chose à faire d'autre que de suivre le mouvement et se taire. Ignorer les rapprochements de Charlotte et de son frère pour leur permettre de s'exprimer, de les inciter à sa façon, de sa présence: tenir un peu la chandelle, la couverture tirée. Au fond d'elle, elle détestait ce rôle et pourtant elle le faisait pour Pryam; mais cela lui revoyait une image qu'elle aurait pu posséder mais qu'elle avait perdu; l'image du couple, qu'elle essayait tant bien que mal de détester ardemment. Rien n'y faisait: l'être le plus libre est toujours le plus seul. Et pourtant elle ne disait rien, la grande brune; rien du tout: ses sentiments restaient enfermés dans la boite de ses angoisses sans jamais en sortir, sans jamais même qu'elle ne s'entrouvre. Parce que ce n'était jamais le moment, jamais l'envie, le courage. Alors elle restait seule avec elle-même, à faire croire qu'elle était forte et qu'elle assumait tout. Mais ce n'était pas vrai; Pryam le savait mais pour autant Chloe avait toujours refusé se confesser à son aîné: s'ils se ressemblaient, était du même bois, il n'était pas au même niveau. Avec Charlotte, Pryam devenait un arbre vert alors que Chloe n'était rien de plus que du bois mort; sec depuis des années.

Elle mangea avec l’appétit de ceux qui ne mangent pas toujours à leur faim, sans rien dire, en écoutant simplement, en étant là. Quelques regards, pas un merci formulés, quelques uns pensés. Un écho de complicité offert à son frère puis son attention redirigé vers le film, qui n'était peut-être pas le meilleur à choisir, mais qui fut celui qu'il regardait. Chloe l'aimait, le trouvant plus intelligent qu'un tas de bidoche exposé à l’écran: il traitait de la faiblesse des hommes et de leur proportion à se laisser avaler par leurs angoisses, dans le passage à l'acte. Cela lui parlait, beaucoup. Pourtant, le film et la pizza finis, tandis que son frère et Charlotte conversait, la jeune femme se leva, faisant craquer ses phalanges avec une habitude consommée.

"Je vais rentrer, je travaille après. Je suis de nuit à l'usine."

Le pire, c'était qu'elle ne disait que la vérité: Chloe enchainait deux emplois et ne parvenait pourtant pas à joindre les deux bouts. Ce fut tout ce qu'elle dit avant de venir vers les deux jeunes gens, glissant les mains dans ses poches. Elle serra la main de son frère et offrit un de ses sempiternels sourires un peu vagues à la rouquine, se mettant sur le départ sans que, de toute évidence, aucune demande ne puisse la faire changer d'avis: elle connaissait la pudeur mieux que personne, et la sienne lui dictait qu'il était temps de se retirer pour laisser le champ libre aux deux amoureux. Ils n'avaient à présent plus besoin d'elle et la brune ne se posa pas la question de l'après: elle fit un clin d’œil à son frère, lui glissant un objet dans la main en la lui serrant: une capote, de toute évidence. Juste au cas où.

"Je repasserai."

Elle ne remercia pas pour la pizza, ni pour la soire: ce n'était pas son style, ni même d'avoir dit qu'elle avait passé un bon moment. Son style à elle, c’était d'aller et de venir comme ça, à son aise, en gardant les choses pour elle; même les plus agréables. Elle se dirigea ensuite vers la porte d'entrée, cherchant ses clefs dans une de ses poches et tournant la poignée de porte pour sortir.

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Ring Riiiing ! La soirée s'annonce super !

Le film était... Atroce mais bien fichu tout de même ! Chloe avait raison en témoignant de sa profondeur : pour qui savait creuser, ce film était un brûlant témoignage de la passion confinant à la destruction des hommes, de leurs faiblesses et de leurs forces. Vraiment pas mal avec les scènes d'horreur. Plusieurs fois, Charlotte avait saisi la cuisse de Pryam afin de la serrer pour s'empêcher de lancer des cris de frayeur. Bon, ce n'était pas son style de film préféré mais il était vraiment sympa.

- Si j'avais su, j'aurais encore plus forcé ! Mais sinon, j'ai bien aimé, oui.

En riant légèrement, la jeune femme se leva en voyant Chloe le faire. Cette dernière s'était jetée sur la pizza comme si elle mourait de faim mais Charlotte n'avait pas fait de commentaires. Pryam, sans s'étaler outre mesure, lui avait tout de même dit que sa sœur traversait quelques difficultés, mais qu'elle était trop fière pour demander de l'aide. Et Charlotte n'était pas du genre à faire la moindre remarque, c'était même le contraire. Elle avait juste fait semblant de ne rien voir, se contentant elle aussi de manger et de boire du jus de fruits.

Chloe leur annonça son départ avec un peu de précipitation et fit une accolade à son frère, se contentant de sourire à Charlotte, laquelle lui sourit sincèrement en retour. La rousse espérait bien qu'elles finiraient par s'entendre et quelque chose lui disait que c'était le cas. Lui faisant un petit signe de la main au moment où la brune passa la porte, elle se sentit brusquement intimidée alors qu'ils étaient à nouveau seuls...

La sagesse la poussait à s'en aller, à terminer cette soirée avant que ça ne tourne à quelque chose qu'elle voulait sans vraiment oser se l'avouer... Liz allait certainement la tuer si elle apprenait ça mais tant pis ! Il fallait vivre un peu de temps en temps !

- On se regarde un autre film ? Cette fois, c'est toi qui choisis.

Heureusement, Charlotte n'avait pas vu le petit cadeau que Chloe avait laissé dans la main de Pryam, déjà qu'elle n'avait pas les idées nettes ce soir...

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Ring Riiiing ! La soirée s'annonce super !

Ils étaient de nouveau assis au fond du canapé, devant un film totalement différent du précédent, plus léger, et surtout en tête à tête. "Au Nom d'Anna" était une comédie plutôt légère, relatant l'histoire d'une jeune femme retrouvant ses deux amis d'enfance, deux hommes qui tombèrent amoureux d'elle lors de leurs retrouvailles. Les situations rocambolesques s'enchaînaient et Charlotte ne pouvait s'empêcher de rire, jusqu'à ce que Pryam se tourne vers elle.

Sitôt que leurs yeux se croisèrent, le film passa au second plan.

- Même si elle est un peu bourrue, j'apprécie ta sœur. Et j'espère qu'elle m'apprécie un petit peu au moins...

Avec une grimace comique et un petit rire, qui s'éteignit quand Pryam déplaça une de ses mèches pour la ranger derrière son oreille. Ce contact bref mais intense la chamboula, la poussant à répondre à son sourire par le sien.

- C'est tellement mignon... On dirait que nous avons là un cœur sensible...

Ce n'était pas de la moquerie, juste un petit trait d'humour, atténué par la main qu'elle venait de porter à la joue de son meilleur ami... Enfin, Pryam avait dépassé ce stade mais il n'était pas du tout au courant. Lui caressant doucement la peau du bout des doigts, Charlotte se rapprocha encore un peu, frôlant son nez du sien.

- Y a pas de mal à aimer les films romantiques, je les aime moi aussi...

Mais il n'était plus question de film du tout à présent... Le regard de Charlotte envoyait un signal qui ne pouvait pas échapper à Pryam... Enfin, elle espérait...

Sinon, il ne lui restait plus qu'à donner le change et se barrer en douceur.

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