All that we love and care for will sink into the abyss of a new dark age made more sinister

Je reviens d'une séance chez le psy, j'ai les yeux rouges. Oui j'ai pleuré. C'est dur de ne pas pleurer pendant ces séances. Quand je commence à discuter de ce qui m'est arrivé, de mon passé, de ce que j'étais avant, ça me tue. L'ancien Morgan Montgomery me manque tellement. Je ne suis plus que l'ombre de moi même. Je traverse les couloirs de l'Aile Nord. Je fais un petit détour jusqu'aux sanitaires les plus proches pour aller voir la tronche que je me paie avant de continuer mon ascension jusqu'à l'accueil. Je vais aller les emmerder une fois de plus pour savoir si on a pas cherché à me joindre. Depuis que je suis arrivé ici je viens au moins trois fois par jour vérifier que personne n'a essayé de me contacter via leur standard téléphonique.

J'attends que Michelle, mon ex, me contacte. J'attends que ça. Elle est la seule qui peut me faire redevenir un peu moi. Je le sens au fond de moi, j'ai envie d'y croire. Michelle m'a largué quand je suis entré en dépression y'a plusieurs mois. On était fait pour être ensemble elle et moi. On était comme les deux doigts d'une main. Inséparable. Je l'aimais et je l'aime toujours comme un fou. Quand elle a rompu et coupé les ponds avec moi, ce fut le coup de grâce. J'ai tenté de mettre fin à mes jours.Même après ça pendant mon rétablissement à l'hôpital elle n'a pas essayé de me contacté. Pas une seule fois. Je l'aime autant que je lui en veux de m'avoir laissé. De m'avoir juste utilisé quand j'étais à la Une des magazines pour mes prouesses musicales pour montrer à mes côtés. Dès que j'ai commencé ma descente aux enfers il n'y avait plus personne. Je suppose qu'elle ne doit pas supporter la mauvaise pub. Et malgré tout ça, je l'aime toujours. Ce serait tellement plus simple si je pouvais juste la détester. Le cerveau est vraiment quelque chose de fascinant. On ne peut pas lui dicter sa conduite, il n'en fait qu'à sa tête.

Je me mate rapidement dans les toilettes, j'ai un peu les yeux rouge, mais je m'en fou. Tout le monde sait que si je suis ici c'est parce que j'ai un soucis, alors pourquoi faire attention à mon apparence ? J'ai tellement honte de moi, j'essaie quand même de faire en sorte que les gens ne me regardent pas trop de travers. Je sors des chiottes et me rend à l'accueil. Je me passe une main dans les cheveux et je m'asseois dans la salle d'attente, j'attends mon tour pour parler avec la personne qui est derrière le comptoir, y'a trois personnes qui attendent debout, moi j'attends assis. J'ai rien de mieux à faire de toute façon. Soit je passe mon temps ici à attendre, soit je retourne dans ma chambre à rien faire. Y'a un peu de monde. Je sais pas qui sont ces gens et je m'en fou.

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Je regarde les gens autour sans les regarder. Pour être honnête, je préfère les ignorer tous, mais tout ce mouvement autour de moi attire mon oeil contre mon gré. Une vieille dame avec une petite fille, je me demande ce qu'elles viennent faire ici. Je me focalise sur elles parce qu'elles sont juste dans mon champ de vision, tout en étant assez loin en même temps, elles ne viendront pas vers moi pour entamer la conversation. Enfin, j'espère pas. Je ne suis pas venu ici pour discuter. Je suis ici juste pour voir si j'ai eu des messages téléphoniqueq. Je m'accroche trop à cet espoir, je sais, mais je suis sûr que ça m'aide beaucoup à aller mieux malgré tout. Avoir de l'espoir c'est penser au futur et donc ne pas penser, ou moins, à mettre fin à ses jours. Qu'elle soit avec moi ou non, Michelle, mon ex, m'aide à aller de l'avant. Elle a été trop importante pour moi, elle fait partie de ma vie même si on ne se voit plus. Je sais que je l'aimerai jusqu'à la fin de mes jours. Je doute pouvoir trouver quelqu'un d'autre pour la remplacer dans mon coeur. Je suis devenu quelqu'un de torturé, brisé, je ne donnerai jamais ma confiance à quiconque, ou du moins, pas rapidement.

Je suis complètement perdu dans mes pensées et j'entends quelqu'un qui me dit bonjour. Je tourne les yeux vers cette personne, sans la regarder directement. Je la reconnais, on s'est déjà croisé quelques fois. Elle est jeune, pleine de vie, je l'envie un peu pour dire la vérité.

« Hey... »

Mais elle n'est pas méchante, je suis un peu dans mes pensées toujours, ça doit se voir sur mon visage que j'ai l'esprit ailleurs. Je dois avoir l'air un peu comme endormi, ou bien drogué, fatigué. Au choix. Je me souviens qu'on avait parlé de musique ensemble. Je crois que c'est le seul sujet de conversation sur lequel j'arrive à m'ouvrir un peu. Tout le reste, je m'en fou complètement. Je n'ai aucune envie de connaître la vie des gens autour de moi. J'ai assez de problèmes comme ça pour m'occuper de ceux des autres. Je me souviens qu'elle est assez bavarde, peut-être que l'attente va passer plus vite avec elle à côté plutôt que moi et juste mes pensées pour compagnie.

« Tu fais la queue pour l'accueil toi aussi ? »

Je n'ai pas spécialement envie de savoir pourquoi elle est là, mais allez savoir pourquoi je formule cette question. Sûrement parce qu'elle m'a l'air inoffensive.

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J'étais dans mes pensées avant qu'elle n'arrive, mais elle ne me dérange pas vraiment. Juste que j'ai du mal à faire la conversation avec les gens depuis mon agression. C'est horrible de ne pas pouvoir faire les choses les plus simple de la vie. Comme regarder quelqu'un dans les yeux pour leur parler. Ça m'est juste impossible. J'arrive à peu près à discuter avec les gens mais ça se voit direct sur mon visage quand je m'en fou ou quand je parle mais sans vraiment être là, la tête complètement ailleurs. Après c'est plus simple avec certaines personnes que d'autres, allez savoir, le feeling qui passe ou pas, je peux pas trop commander ce genre de choses. Mieux je connais les gens et je suis habitué à eux, plus je peux leur parler avec facilité. Mais il faut beaucoup de temps pour ça.

Francis me dit que c'est mon tour. Allez savoir pourquoi je me souviens de son prénom. Peut-être parce que ce n'est pas un nom commun pour une fille ou peut-être parce qu'elle est cool avec moi. Je sais pas pourquoi mais j'ai l'impression des fois qu'elle vient juste pour me voir moi. Mais je me trompe sûrement. Ou bien c'est le cas mais pas pour les bonnes raisons et je préfère pas entrer dans ma paranoïa.

Je me lève et je vais jusqu'au comptoir de l'accueil. Je demande si j'ai pas reçu des appels, des messages. L'hôtesse d'accueil va vérifier mais je suis sûr que je n'aurai rien. Je ne sais pas pourquoi je m'obstine à venir demander ça tous les jours même plusieurs fois par jour. J'aime bien quand même ce petit espoir que j'ai au fond de moi. Après une courte attente elle me dit que non, il n'y a pas de messages de la part de Michelle, ni de personne d'autre d'ailleurs. Je soupire, je la remercie quand même, ce n'est pas de sa faute à elle.

Je quitte le comptoirs et je sais pas trop où aller pour la suite... Je n'ai pas envie de retourner à ma chambre. Je regarde Francis, je ne sais pas si je lui dis au revoir ou pas. Je me souviens que la dernière fois on avait entamé une conversation sur la musique et nous avions été coupés, mais je n'ai pas la motivation de lancer le sujet. Je suis devenu vraiment antisocial.

Je lui fais un petit signe de la main quand je quitte l'accueil en guise d'au revoir. Peut-être était ce pour qu'elle me suive. Je sais pas trop. Elle fera comme elle veut de toute façon. Je prends le couloir qui mène jusqu'au patio, c'est un de mes endroits préférés dans la clinique. J'ai aussi cette chance qu'il n'y ait jamais trop de monde là bas, ça me rebuterait sinon. Je jette un coup d'oeil derrière moi si elle me suit, si c'est le cas, je ralentirai le pas pour marcher à ses côtés, même si on garde le silence, ça me dérange pas.

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Elle a l'air de s'inquiéter pour moi quand je lui jette un coup d'oeil avant de filer. Cette fille a l'air d'avoir un grand coeur. Je ne sais pas pourquoi elle s'accroche à venir me voir une fois de temps en temps, mais je suis presque sûr qu'elle vient pour me voir. Elle est fans de The Knights, je devrais arrêter de me poser des questions, c'est aussi simple que ça. C'est une fan. Elle m'admire, ou plutôt elle m'admirait, et maintenant elle me voit comme ça, comme un mec enfermé, interné, qui a plus toute sa tête. Après tout personnes ayant toute sa tête n'était interné dans l'aile psychiatrique d'une clinique. Malgré ça, je ne m'imagine pas comme un fou, non, j'ai toute ma tête. Elle est juste complètement en vrac et je n'arrive pas à remettre les morceaux aux bons endroits pour qu'il se remette à fonctionner comme avant. Avant. Plus rien ne sera jamais comme avant de toute façon. Il faut que j'arrête de penser à ça. La personne que j'allais devenir si j'arrive à aller mieux ne serait ni le Morgan d'avant, ni le Morgan de maintenant, mais un tout nouveau Morgan.

Comme je l'avais pensé, elle m'a suivi, je ralentis le pas pour qu'on marche à la même hauteur. Elle est un peu essoufflée, elle a couru pour me rejoindre jusque dans ce couloir. Elle reprend sa respiration, je continue à marcher, lentement cela dit, le patio est quand même plus loin d'ici et on a le temps de toute façon, je n'ai rien à faire d'autre. J'ai eu ma séance avec mon psy, j'ai pris mes cachets, j'ai vérifié mes appels, voilà mes journées se résument à ça.

Maintenant c'est le moment que je retourne dans le patio pour prendre l'air, être au calme, bien. Francis reprend la parole et elle me dit qu'elle a écouté l'album Let It Be hier soir. Je réalise que ça fait longtemps que je n'ai pas écouté de musique. Je passe la plupart de mes journées perdues dans mes pensées, dans le silence.

« Je l'ai sur mon ordi chez moi. Faudra que je me rachète un ipod ou un truc du genre... »

Je dis ça plus pour moi qu'autre chose, je sais pas pourquoi je pense à voix haute. Sûrement parce que c'est elle qui a commencé à parler de ça et qu'elle m'a fait penser à ça. Bref, dans tous les cas je suis pas mécontent, ça change de mon silence habituel. Faut dire que dès qu'on parle musique c'est assez facile de me faire sortir des mots de la bouche. Elle me demande quelle est ma chanson préférée de l'album. Bonne question.

« J'ai pas vraiment de préférées... Ca change en fonction de mon humeur. Mais ouais Let it be est vraiment bien... Je connais plus exactement quels titres sont sur l'album. »

Je suis honnête, à quoi ça sert de faire genre ? J'ai absolument rien à prouver ici, je suis interné dans une clinique, je suis au plus bas de toute façon, autant être authentique. Peut-être même que ça me fera du bien d'oser dire les choses. Le pire c'est que j'ai pas peur. Sûrement parce que ce n'est rien de personnel. Rien de tout ce qui est dans la partie sombre de ma vie.

« De toutes celles des Beatles, ma préférée doit être Help. »

Allez savoir si c'est parce que c'est mon état d'esprit du moment... Mais c'est vraiment celle qui m'est venu en tête tout de suite quand j'ai pensée aux Beatles.